Fausse citation ou surenchère intertextuelle

Dans le chapitre liminaire d' Under the Volcano, qui sert à la fois de prologue et d'épilogue aux onze chapitres suivants, Jacques Laruelle se remémore les tragiques événements de l'année précédente au cours d'une ultime promenade à travers la ville de Quauhnahuac456. L'expatrié français ressent confusément une part de responsabilité dans la disparition de son ami, qu'il est censé en outre avoir trahi en couchant avec sa femme. Sa mauvaise conscience l'empêche de reléguer le Consul à l'arrière-plan de ses préoccupations. Tout le lui rappelle, bien au contraire, à commencer par un cavalier ivre dont la conduite à cheval devient pour lui métaphore a posteriori du comportement suicidaire de son ami. C'est dans cette évocation du cavalier que surgit dans le texte, sous forme d'incise, la phrase aux allures de citation qui résume en quelque sorte la mauvaise conscience de Laruelle :

‘[…] the sound of the horse's hooves rang out plainly, receding now, slanting up the ill-lit Calle Nicaragua, past the Consul's house, where there would be a light in the window M. Laruelle didn't want to see --for long after Adam had left the garden the light in Adam's house burned on—[…] and he imagined the rider as not pausing even at Laruelle's own house, […] but galloping recklessly round the corner into the Calle Tierra del Fuego and on, his eyes wild as those soon to look on death, through the town—and this too, he thought suddenly, this maniacal vision of senseless frenzy, but controlled, not quite uncontrolled, somehow almost admirable, this too, obscurely, was the Consul … (UTV, 22-23, italiques ajoutés.)’

La fausse citation apparaît dans une configuration textuelle saisissante : enchâssée dans une phrase qui décrit le bruit des sabots du cheval dans la Calle Nicaragua mal éclairée, elle illumine le passage en déclinant le thème de la lumière à la fenêtre de la maison désormais inoccupée. L'effet-citation réside à la fois dans le contenu et la tournure de l'incise, faisant penser à un apocryphe de la Bible, ou encore à Paradise Lost de Milton. La lumière qui continue de brûler dans la maison d'Adam est aussi l'œil de la conscience qui semble hanter Laruelle. Ce qu'il préférerait ne pas voir est fort opportunément évoqué par le biais d'une incise qui revêt les atours linguistiques et poétiques de la citation idéale, mais qui, en définitive, ne semble être qu'un trompe-l'œil si réussi qu'il ne saurait être mis sur le compte d'un pur hasard d'écriture. En effet, le lecteur ne se laisserait pas prendre au jeu de cette surenchère intertextuelle si le terreau littéraire qu'il examine n'était pas habilement truffé de fertiles contrefaçons.

Notes
456.

L'expression « epilogic prologue » employée à propos du chapitre I est de Richard Hauer Costa dans Malcolm Lowry (New York : Twayne Publishers, 1972), p. 65.