Première partie. Cadre conceptuel. Fondée sur le principe d’égalité, la mixité engendre des inégalités

Qu’est-ce qui garantit aux filles comme aux garçons l’égalité d’accès et de chance dans le système scolaire actuel ? La question fait couler de l’encre. Dans cette première partie c’est ce que nous nous proposons d’éclairer en prolongeant la problématique de l’école à l’EPS : qu’est-ce qui garantit la possibilité d’une construction corporelle égale pour les filles et les garçons par la pratique des activités physiques et sportives support de l’enseignement ?

Il s’agira d’essayer de comprendre comment vivent les élèves des deux sexes dans ce bain de mélange que l’on nomme, à la française, mixité. Ce premier chapitre prendra en compte les considérations par lesquelles nous affirmerons que l’école n’est pas impartiale envers les filles. D’une part, l’école est fondée sur une histoire et un modèle masculins, d’autre part, les relations humaines entre les élèves et l’enseignant s’expriment à travers différentes versions sexuées. Alors que les textes officiels sont ambitieux sur l’orientation de tous vers un idéal d’égalité, les pratiques sont fréquemment mises en défaut.

Chaque individu construit son identité en relation avec son environnement, c’est ce que nous envisagerons au cours du second chapitre. L’une des dimensions identitaires est celle du sexe : suivant que l’on est (naît) femme ou homme, les conséquences sont distinctes. Elles se mesurent à travers les rapports sociaux de sexe dont la compréhension sera abordée à partir de perspectives historiques, sociales et psychologiques. Les études féministes défendent l’idée que la différenciation des sexes provient d’un ordre culturel de la société patriarcale. Il s’ensuit des enjeux de pouvoir qui se nouent entre les femmes et les hommes à la défaveur des premières citées. L’asymétrie des sexes prévaut aussi dans le champ sportif dans lequel elle sera illustrée.

Si la société et le monde sportif sont affectés par les relations asymétriques des sexes, qu’en est-il de l’école ? Dans ce troisième chapitre nous ferons le point sur le bilan de la mixité au regard de l’égalité des sexes au sein de l’école. Cinquante ans après sa généralisation, des inégalités sont pointées du doigt dont les inégalités d’origine sexuées. Certes, nombre de filles poursuivent des parcours exemplaires mais il n’empêche que les savoirs autant que les communications des enseignants discriminent les élèves selon leur sexe toujours en la défaveur des filles. Ces différences semblent faire partie d’un contexte occulte et occulté par tous (toutes). Or, l’enseignant lui-même n’est pas exempt de ces discriminations par les valeurs qu’il profère et les attentes qu’il produit.

La co-présence des filles et des garçons n’a pas constitué un choix consensuel en EPS. Historiquement, il semble que les enseignantes aient notamment été plus réticentes à accepter la mixité. Dans un quatrième chapitre, nous montrerons que la mixité pose des problèmes divers dont la gestion d’une hétérogénéité supplémentaire : celle des compétences physiques. Faire fonctionner la mixité en EPS relève du militantisme des enseignants et les pratiques optent pour diverses stratégies allant de l’ignorance d’un problème dû à la mixité jusqu’à la recherche de solutions qui passent souvent par la programmation des APSA ou les formes de groupements. Nous envisagerons d’ailleurs quelques pistes innovantes.

En nous plaçant du côté des pratiques de l’enseignant nous envisagerons les interactions et leur rôle. Celles-ci seront vues dans les perspectives de la transmission du savoir, des mécanismes qui régissent les relations entre enseignant et élèves, des modalités d’évaluation, de l’organisation matérielle, des modes d’entrée en activité. Nous porterons un intérêt particulier à l’enseignant qui constitue le cœur de notre recherche descriptive.

A partir de ces différentes données théoriques nous espérons être en mesure d’éclairer la question qui a suscité ces recherches documentaires :

L’enseignant peut-il permettre aux filles et aux garçons de trouver un terrain d’épanouissement corporel et relationnel en EPS, en leur garantissant une réelle égalité ?