I. La mise en place de la mixité en France

I.1. Bref rappel historique

En France, au 19ème siècle, c’est la séparation des sexes qui constitue la norme de l’accès aux savoirs des filles et des garçons. A cette époque, le terme de mixité n’existe pas encore 21 , seul celui de coéducation est présent dans le dictionnaire à titre de néologisme.

Dans le champ des pratiques, une première approche de la mixité fut tentée par Robin alors directeur de l’orphelinat de Cempuis dans l'Oise vers 1870. Celui-ci introduisit la mixité dans son établissement au travers d’un projet d’éducation en commun des filles et des garçons. Cette expérience fut rapidement considérée comme gênante 22  : d’une part parce que la coéducation mise en œuvre paraissait porter ses fruits et remettre en question la séparation des sexes à l’école, d’autre part parce que la cohabitation des sexes paraissait amorale et iconoclaste en cette seconde moitié du 19ème siècle ; un terme y fut donc mis. Seule la co-instruction comme présence à des fins d’apprentissage dans la même salle de classe d’enfants des deux sexes enseignés par un maître unique fut acceptée dans les zones rurales pour permettre l’accès de tou(te)s à la scolarité obligatoire en primaire. Pourtant, la coéducation comme engagement idéologique, ne laisse pas les institutrices et les instituteurs indifférents. En 1905, le congrès des Amicales y consacre un débat où s’opposent le régime séparatiste perçu comme artificiel et la coéducation qualifiée de naturelle 23 dans le rapport des sexes. La présence conjointe d’élèves des deux sexes devait être un choix de société permettant « de construire des rapports harmonieux et égalitaires entre les hommes et les femmes » (Mole, 2003). Loin de prendre en compte l’idéologie d’un monde meilleur, le ministre de l’Instruction Publique de l’époque défend alors la co-instruction dans les écoles primaires. Le terme de mixité n’apparaîtra officiellement qu’en 1957 dans le texte d’une circulaire, d’ailleurs il n’existe toujours pas dans toutes les langues qui lui préfèrent celui de coéducation à l’instar des pays anglophones.

Dans les années 1970, le processus de mixité va s’accélérer à la faveur du boom démographique et par choix d’économie de moyens. Choisie par les autorités institutionnelles sur des critères économiques et non idéologiques ou pédagogiques, elle se met en place de manière différenciée suivant les cycles scolaires. La coéducation prônée dans un objectif d’égalité est mise hors de question, il ne subsiste de fait que la mixité au sens du « mélange des filles et des garçons » 24 dans un même lieu. L’esprit n’est plus le même : d’un intérêt pour une éducation des sexes dans leur rapport de l’un à l’autre vers davantage d’harmonie et de compréhension, on est passé à une mise en présence de collectifs d’élèves des deux sexes. En 1973 tous les établissements du secondaire seront soumis à la mixité. A cette période, la connotation du processus demeurait positive dans les esprits où mixité rimait avec une avancée vers l’égalité des chances. Mais l’adolescence résiste mal à ce collectif, à ce mélange : à cet âge, filles et garçons préfèrent rester entre soi.

En définitive la mixité s’imposera pour des raisons plus économiques qu’idéologiques et sera de ce fait insuffisamment préparée. Cette lacune dans l’élaboration est lourde de conséquences, le bilan des pratiques de mixité est aujourd’hui bien mitigé. En mixité, certains moments sont difficiles à vivre, enfants et enseignants sont parfois en souffrance : ils ne se supportent plus ou ne souhaitent plus être mis en présence, ce qui génère de l’incompréhension, des incivilités, des violences, des angoisses. Une enseignante qui se heurte systématiquement à des provocations de la part d’un garçon ou à un manque de respect pourra vivre cette situation comme une agression contre sa personne. De même un homme pourra être inquiet du comportement d’une fille qui tente à son endroit des manœuvres de séduction, comment réagir ? Par la sanction ? L’ignorance ? Les situations de mixité ne sont pas toujours aussi difficiles cependant, par contrecoup, certaines études sur l’école tirent la sonnette d’alarme et prônent un retour à un enseignement non mixte.

Notes
21.

Zancharini-Fournel, M. (2003). Coéducation et mixité. CLIO, 18, 11-19.

22.

Volondat, M. (1979). La mixité dans l’enseignement de l’E.P.S. Attitudes et pratiques des enseignants. Mémoire pour le diplôme de l’INSEP.

23.

Mole, F. (2003). 1905 : la « coéducation des sexes » en débat. In M. Zancharini-Fournel Coéducation et mixité. CLIO, 18,43-63.

24.

Mosconi, N. (1989). La mixité dans l’enseignement secondaire : un faux semblant ? Paris : PUF.