Etre une fille et oser un curriculum masculin

« Les filières qui existent à l’école sont le reflet de la division de la société en classe, et elles sont destinées à maintenir les rapports de classe » (Postic, 2001) 54 .

Les filles et les garçons n’accordent pas les mêmes valeurs à toutes les disciplines scolaires, certaines sont davantage l’apanage des garçons, d’autres celles des filles. Les choix sont ancrés sur les stéréotypes sexués et induisent des choix de carrières scolaires différenciés, amplifiés par l’influence du milieu social. Pour ce qui concerne l’EPS, on peut montrer que son lien privilégié avec le sport a contribué à sa construction en tant que discipline scolaire masculine qui « débouche sur des inégalités entre sexes » (Duru-Bellat, 1994).

En EPS, les garçons sont en accord avec leur rôle de sexe et l’adéquation de cette discipline à leur conception de la « masculinité » se manifeste même s’il s’agit d’une matière scolaire.

Pour les filles, la réussite dans une discipline est facilitée par l’identification à des pairs du même sexe ou à l’enseignante. Choisir la culture masculine leur permet d’accéder à des modèles et à des caractéristiques valorisées socialement. Pour Mosconi, ce cheminement comporte des risques qualifiés de dilemme vis-à-vis de l’identité sexuée des jeunes filles : « Ainsi risque-t-elle de construire une image d’elle-même contradictoire avec son Idéal du moi : être féminine. » (Mosconi, 1994) 55 . On retrouve ce dilemme dans l’investissement des filles en EPS : entre le conformisme aux stéréotypes féminins et l’envie de réussir dans une discipline masculine. « Si la fille a le désir « d’aller plus loin », elle est dans un mouvement de transgression où la question de son identité sexuelle est douloureusement en jeu. ».

Le professeur peut alors remplir un rôle majeur : une femme incarnant un savoir « masculin » joue comme une autorisation d’accès au savoir. Les filles qui choisissent des filières plus masculines comme les sciences sont moins ancrées sur les stéréotypes sexués liés aux disciplines ou aux types de situation d’apprentissage. Certaines études portant sur la personnalité des filles ayant choisi d’étudier les sciences (Kelly, 1981) 56 , montrent qu’elles sont moins orientées vers les personnes, font preuve de plus de confiance en soi et d’individualisme, savent résister aux pressions de la conformité.

Ces choix disciplinaires sont inscrits dans les normes sociales et les stéréotypes sexués. Au-delà des buts avoués que l’institution définit, se transmettent d’autres valeurs sociales non explicites, notamment des normes de sexe.

Notes
54.

Postic, M. (2001). La relation éducative. Paris : PUF.

55.

Mosconi, N. (1994). Déjà cité. (p. 315, 313).

56.

Kelly, A. (1981). Gender roles at home and school, British Journal of sociology of Education, 3 (3). Cité par Duru-Bellat, M. (1994).