Fille, garçon : ils n’engagent pas le même désir de savoir

« L’école est un lieu où se fabriquent les désirs. Elle travaille à susciter le désir de savoir qui croise inéluctablement le désir de l’autre, de l’autre sexe, l’enseignant ou le camarade. » (Fraisse, 2004) 66 .

L’école définit un certain espace relationnel entre les élèves en les hiérarchisant selon leurs performances dans les matières fondamentales et en classant les matières entre elles. Le rapport aux matières enseignées en dit moins sur les capacités intrinsèques des élèves que sur le type de relation qui les lie, par exemple aux autres élèves (Aebisher, 1998) 67 .Les recherches montrent que les garçons sont plus attirés par les disciplines scientifiques, institutionnellement valorisées et les filles par les disciplines littéraires et sociales, à faible valorisation. On peut se questionner sur la connotation sexuée des disciplines.

Qu’est-ce qui permet de dire que le désir « la pulsion de savoir » (Mosconi, 1994) pour les disciplines scientifiques est davantage masculine que féminine ? N’y aurait-il pas une attraction culturellement discriminée? Pour Mosconi, c’est l’imaginaire social qui attribue le savoir au masculin.

« La force du schéma masculin vient justement de ce qu’il trouve sa caution dans l’imaginaire collectif, permettant au petit garçon de développer un sentiment de supériorité sur les filles et sur les femmes à commencer par sa mère dans le domaine intellectuel […] » (Mosconi, 1994) 68 .

Le savoir étant le fruit d’une chaîne inconsciente produite par la construction collective des savoirs humains (Charlot, 1999) 69 , on y retrouve la marque du masculin et l’asymétrie des positions entre les hommes et les femmes par un effet de modélisation sociale. L’individu confronte son désir de savoir et ses influences sociales et culturelles dès lors qu’un premier niveau d’accès au savoir se construit dans le milieu familial (Mosconi, 1994) 70 , puis qu’un second s’établit quand l’enfant s’ouvre sur l’extérieur. Ces tentatives d’explicitation peuvent être complétées par celles provenant de la théorie psychanalytique freudienne : cette théorie différencie les pulsions de savoir de la fille et du garçon dès la prime enfance. La découverte de leur propre sexe et de la différence avec l’autre sexe produit une attitude différente dans le rapport au savoir, le garçon cherchant à s’affirmer sur le monde, la fille s’inclinant et acceptant l’évidence sans tenter d’intervenir sur la réalité.

Ainsi il semblerait que dès l’origine, le rapport au savoir est différencié entre les sexes par les comportements et les attitudes qui induisent des perceptions du monde différentes. L’école serait traversée par ce rapport différencié au savoir des filles et des garçons. La domination des garçons en termes de pouvoir à travers les rapports de sexe produirait la soumission des filles assignées à une position subalterne qui constituerait un obstacle pour leur accession au savoir. Par l’éducation parentale qu’elles subissent et, notamment, le refoulement précoce de leur curiosité sexuelle, les filles seraient amenées à inhiber toute curiosité, ce qui limiterait leur développement intellectuel. Elles se placeraient dans une attitude de soumission à l’éducation parentale et conserveraient cette attitude à l’école 71 .

La différenciation à l’accès au savoir des filles et des garçons dès leur plus jeune âge, se prolonge par la question de la construction du rapport différencié au savoir dans l’école qui constitue un second niveau de cette discrimination.

Notes
66.

Fraisse, G. (2004). Déjà cité. (p.63).

67.

Aebischer, V. (1998). Styles de pensée, communauté de pensée et performances scolaires. In N. Mosconi (Ed.), Egalité des sexes en éducation et formation, Biennales de l’éducation. Paris : PUF.

68.

Mosconi, N. (1994).Déjà cité. (p.296).

69.

Charlot, B. (1999). Du rapport au savoir. Eléments pour une théorie. (2ème éd.). Paris : Economica, collection Anthropos.

70.

Idem. (p.265, 271).

71.

Mosconi, N. (1994). Déjà cité. (p.283).