Analyses microscopiques

Dans la continuité des recherches de la nouvelle sociologie du curriculum, les analyses sur l’éducation se caractérisent par leur accès au quotidien de la classe 72 et par l’étude des processus par lesquels ses acteurs attribuent des significations à leurs actions 73 .

A un niveau microscopique, les chercheurs s’interrogent sur la manière dont les enseignants et les élèves décodent leurs comportements respectifs dans les interactions. Ils notent que les interactions et les contenus enseignés sont porteurs de différences et imprégnés de valeurs parmi lesquelles les valeurs sexuées. Le plus souvent, l’école feint d’ignorer l’importance des interactions entre l’enseignant et les élèves dans leur retentissement sur la dimension sexuée des filles et des garçons. Ce type de rapport est fréquemment dissimulé car sa substance fait émerger des « doutes » sur sa nature que l’école préfère taire. Il est dommage de ne pas mettre en perspective les conséquences des modes d’interventions de l’enseignant, de le « faire disparaître » 74 de la scène scolaire en ne s’intéressant plus qu’aux contenus. Au contraire, certaines recherches s’appliquent à comprendre comment l’ensemble des éléments de la transmission du savoir et l’enseignant lui-même ont leur importance.

« […] les natures des discours […] tenus par l’enseignant vont être l’objet des analyses. Cela nous sert à dresser un tableau de ce que nous retenons de la manière dont l’enseignant fait fréquenter les mathématiques à ses élèves en classe caractérisé comme un ‘univers’ » (Hache et Robert, 1998) 75 .

Certes le choix des contenus est primordial pour l’accès aux savoirs mais la manière dont l’enseignant s’y prend pour les transmettre l’est tout autant. C’est justement dans le cadre de cet « univers » qu’il (elle) peut aussi faire passer, souvent à son insu, d’autres types de messages, par exemple sexués.

Certaines communications verbales et non verbales entérinent certaines valeurs ou normes de sexe par un phénomène appartenant au curriculum caché. Ce phénomène n’est pas le seul vecteur de normes sexuées, le savoir l’est aussi. Le savoir est transmis par les contenus sélectionnés et enseignés à la classe, faisant partie du patrimoine culturel de notre société : on y retrouve la marque du masculin et l’asymétrie des positions entre les sexes.

La mixité constituait un enjeu démocratique et égalitaire demandé par les instituteurs au début du XXème siècle, or elle n’a été consentie que pour des arguments économiques et non pour ses vertus éducatives. L’absence de fondements formateurs et la mise en place imposée par l’institution n’ont sans doute pas permis que s’engage une réflexion sur les pratiques et les mises en œuvre. Le constat de la mixité n’est pas positif en ce qui concerne ses effets, il s’ensuit qu’aujourd’hui la mixité scolaire génère des inégalités entre les élèves des deux sexes sans que les enseignants ne prennent la mesure de ce qui se joue. Nombre de processus qui participent de ces effets différenciés entre les sexes s’inscrivent dans la sélection des médias utilisés pour appuyer les savoirs ou dans le réseau caché du curriculum lors de leur transmission. La mixité des élèves des deux sexes ne produit ni la neutralité ni l’égalité mais à l’opposé pose en surplomb le masculin et sa domination sur le féminin. Les différences entre les filles et les garçons se reconstruisent sur le modèle social et sont utilisées par les enseignants comme moyens de pression d’un sexe sur l’autre pour maintenir l’ambiance de la classe, en se transformant en modes de pouvoir. L’école est donc un lieu où se renforce la place asymétrique assignée aux deux sexes par les normes sociales. Les inégalités entre les filles et les garçons sont confortées dans les disciplines masculines à plus forte valeur sociale dans lesquelles les filles ont bien du mal à affirmer leur statut de bonnes élèves et leurs préférences disciplinaires.

Notes
72.

Young, M. (1971). Déjà cité.(pp.1-17).

73.

Whitting, G. et Young, M.F.D. (1976). (Eds), Explorations in the politics of school knowledge.Driffield : Nafferton Books.

74.

Méard, J. et Bertone, S. (1998). Le professeur d’EPS et les attitudes d’élèves. Analyse des discours professionnels de 1984 à 1996. Dossier EPS, 38, 71-72.

75.

Hache, C. et Robert, A. (1998). Un essai d’analyse de pratiques effectives en classe de seconde ou comment l’enseignant fait « fréquenter » les mathématiques à ses élèves pendant la classe ? In C. Margolinas et M-J. Perrin-Glorian. (Eds.), Cinq études sur le thème de l’enseignant. Paris : La pensée Sauvage. (p.112).