I.3. Différentes mises en œuvre pédagogiques

La possession du savoir protège l’enseignant, sa transmission le fragilise. Suivant l’idée que l’enseignant se fait du savoir et de l’élève, les différentes conceptions pédagogiques qu’il (elle) met en œuvre n’ont pas les mêmes incidences sur ses comportements, elles ne reposent pas sur les mêmes types de relation à l’élève 88 .

Par exemple, les études sur le genre effectuées aux Etats-Unis montrent différentes applications des théories féministes sur le terrain de l’éducation. La pédagogie féministe y est comprise comme un point de vue politique et une pratique personnelle qui cherche à transformer les relations de domination et d’oppression, plus que comme une stratégie institutionnelle (Titus, 2000) 89 . Les enseignantes qui s’engagent dans cette voie pédagogique tentent de promouvoir davantage d’égalité dans les classes en étant particulièrement attentives aux différences d’identité, de position, d’histoire, d’expérience des élèves. La transformation de la relation de pouvoir dans la classe se manifeste par une pédagogie généralement décrite comme favorisant la participation, l’expérience, l’absence de hiérarchisation. Elle s’intéresse à des concepts comme la « voix de l’élève », la « pensée critique », et le « dialogue ». Cette forme pédagogique entraîne une nouvelle compréhension de la nature des connaissances pour l’enseignement et l’apprentissage.

A l’opposé, d’autres recherches contribuent à montrer que les enseignants maintiennent consciemment ou inconsciemment des attitudes sexistes transmises à travers les pratiques (Lafrance, 1991) 90 notamment dans les disciplines masculines.

Une pédagogie non sexiste s’impose à qui veut défendre pour chacun(e) l’accès à tous les possibles, à tous les savoirs. Elle établit le lien entre les différences de sexe et les inégalités de traitement en se fondant sur le principe d’égalité (Duru-bellat, 1994). Au cours de l’apprentissage, l’élève est autant influencé par la face relationnelle de la transmission du savoir mise en œuvre de manière personnelle par l’enseignant que par sa face didactique.

Alors que les filles et les garçons abordent le rapport au savoir de manière différenciée dès l’enfance, celle-ci se poursuit à l’école. L’enseignant y joue un rôle considérable pour susciter l’intérêt de tous les élèves pour sa matière et pour la mettre en scène. Les modalités de transmissions nourrissent un processus dialectique entre l’enseignant et l’élève. Différentes voies pédagogiques sont possibles : la pédagogie féministe américaine lutte contre les différences de genre alors que d’autres voies restent marquées par des attitudes sexistes. En fonction de la voie choisie, les enseignants attendent de la part des filles et des garçons des comportements différenciés.

Notes
88.

Faure, S. et Garcia, M-C. (2003). Le corps dans l’enseignement scolaire : regard sociologique. Revue Française de Pédagogie, 144.

89.

Titus, J. J. (2000). Engaging Student Resistance to Feminism : « How is this stuff going to make us better teachers ? ». Gender and Education, 12 (1), 21-37. (traduction libre).

90.

Lafrance, M. (1991). School for scandal: different educational experiences for females and males. Gender and Education, 3, 3-13.