II.1. Influence de l’organisation pédagogique sur la réussite des filles et des garçons

L’habillage des situations d’apprentissage participe à la fabrication des différences. Des recherches en mathématiques montrent que les situations d’apprentissage les plus favorables aux filles sont celles qui favorisent la coopération alors que les garçons réussissent mieux en situation de compétition. De plus les garçons produisent une meilleure performance en condition publique qu’en condition d’anonymat alors que chez les filles, l’effet inverse est obtenu (Peterson et Fennema, 1985 94  ; Huguet, 1995) 95 . La perspective d’un retour individuel des résultats devant la classe facilite la performance des garçons et contrarie celle des filles.

L’habillage de la tâche joue également un rôle dans la réussite différenciée des filles et des garçons. Les études réalisées par Morin et Aebischer (1996, 1997, 2003) montrent que selon la valeur académique attribuée à la présentation de la tâche, les filles et les garçons obtiennent des résultats différents. Ces deux auteures ont pris l’exemple d’un test de reconstitution de figures géométriques qui a été successivement présenté comme une tâche en mathématiques (connotation masculine et forte valeur académique) puis comme une tâche en arts plastiques (connotation féminine et faible valeur académique). Ces deux tâches ont été effectuées par les élèves selon des modalités groupales de mixité ou de non mixité. Les auteures ont observé deux types de résultats à l’issue de ces tests : les premiers résident dans le fait que les garçons obtiennent les meilleurs résultats en mathématiques, les seconds montrent que leurs performances sont meilleures dans le contexte de mixité alors que les performances des filles restent identiques. Les performances des garçons sont plus sensibles à l’environnement des pairs et à la présentation de la situation alors que les filles restent centrées sur une logique scolaire qui accorde peu d’importance au contexte 96 . Cette même expérimentation fait apparaître que dans les contextes mixtes les élèves montrent davantage d’adhésion aux stéréotypes dans leurs préférences et leurs attitudes scolaires (Hendriksen, 1989 ; Bouchard et Saint Amand, 1996 ; Jarlegan, 1999 97 ).

Ainsi ces résultats alimentent les constats sur la reproduction des rapports traditionnels entre les sexes maintenus par la coexistence des filles et des garçons (Zaidman, 1996). Garçons et filles « deviennent les uns pour les autres des groupes de référence négatifs » (Whyte, 1986) 98 , la seule présence même minoritaire de l’autre sexe suffit à induire des effets stéréotypant sur l’image de soi.

Notes
94.

Peterson, P.L., Fennema, E. (1985). Effective teaching, student engagement in the classroom activities, and sex-related differences in learning mathematics. Americain Educational Research Journal Fall, 22, (3), 309-335.

95.

Huguet cité par Duru-Bellat et Jarlegan, (1997). In T. Bloss. Déjà cité. (p.79).

96.

Morin, C. (2004). Séminaire CRIS Lyon I, Genre et EPS. Notes personnelles.

97.

Hendriksen, T. (1989). Une contribution du Danemark à la recherche-action sur l’égalité des chances et les nouvelles technologies de l’information. Communication présentée lors du symposium européen : Egalité des chances et nouvelles technologies de l’information, Maison des Sciences de l’Homme, Paris.

Bouchard, P. et St-Amand, J-C. (1996). Déjà cité.

Jarlegan, A. (1999). La fabrication des différences : sexe et mathématiques à l’école élémentaire. Thèse en sciences de l’éducation non publiée, Université de Bourgogne. Dijon.

98.

Whyte, J. (1986). Girls into Science and Technology : the Story of a Project. Henley: Routeledge and Kegan Paul.