II.2. Les enseignants devraient pouvoir réduire cette inégalité

La mixité ne produit pas mécaniquement l’égalité, elle constitue toujours un « horizon lointain » 99 . Sa mise en œuvre doit être approfondie pour aller dans le sens d’un rapport égalitaire entre les sexes, or « Le monde de la formation a été construit par des hommes, le fait de l’analyser bouleverse les modèles masculins antérieurs » (D’Ouville, 2000) 100 . Cela pose la question de la différenciation des rôles et des statuts selon les sexes.

« la mixité ne donne pas de garantie d’égalité car son opacité est voulue et désirée par l’institution scolaire. Sexuer le regard et la réflexion sur l’école républicaine serait iconoclaste. » (Fraisse, 2004).

L’école n’aime pas aborder cette question qui met en jeu la sexualité des enseignants et des élèves, elle préfère noyer les différences en parlant d’un universel contrôlable, d’un élève générique et asexué 101 . Pourtant cette apparente neutralité cache mal les différences vécues au quotidien par les acteurs de l’école.

« La réflexion sur la pratique actuelle des enseignants d’école élémentaire montre que tout n’est pas si simple. Pour une institutrice ce n’est pas la même chose de remplacer une autre institutrice qu’un instituteur » (Bachelet, 1992) 102 .

En classe, on assiste à des alliances entre l’enseignante et les filles quand il s’agit de défendre les règles scolaires, entre l’enseignante et les garçons quand il s’agit de dynamiser les filles. Alliances, complicité et séduction (Mosconi, 1989) 103 sont à l’œuvre dans les classes mixtes ; l’enseignant les subit autant qu’il les utilise.

Si l’enseignant homme dit s’adapter facilement à l’enseignement des filles, la femme reconnaît éprouver davantage de difficultés avec les garçons. L’homme joue sur la séduction vis-à-vis des filles et la reproduction des rôles permet qu’elles se soumettent facilement à son autorité. La femme doit prouver sa compétence aux garçons, ne pas se laisser manipuler dans leur tentative de domination, tout en restant une femme. Homme et femme, ils subissent les mêmes stratagèmes de séduction de la part des élèves et usent de cette même séduction à leur tour.

« Toute situation pédagogique induit l’établissement de relations affectives entre les enseignés mais aussi entre le maître et les élèves. La mixité introduit une dimension hétérosexuelle aussi bien entre les élèves qu’entre le professeur et les élèves du sexe opposé ». (Volondat, 1979) 104 .

Ces phénomènes de séduction, Mosconi (1989) 105 les a bien mis en évidence en confirmant l’enjeu de la séduction et l’art de plaire dans les classes mixtes. Les enseignants déploient un « art de plaire pédagogique » (Mosconi, 1989) qui demande beaucoup de maîtrise de soi et d’énergie. Dans la mise en scène de la classe, la séduction et le savoir sont théâtralisés, l’enseignant en étant le metteur en scène. Les élèves ne sont pas sans percevoir ce qui peut exister de suspect dans l’exhibition du professeur, c’est-à-dire le rapport à la sexualité, car pour eux, la mixité renvoie avec moins d’équivoque à la sexualité non dite par les adultes (Pujade-Renaud, 1983) 106 .

Dans la mise en scène de la relation entre l’enseignant et les élèves, les filles jouent le rôle de celles qui sont séduites. En matière d’égalité, la mixité scolaire fait déchanter : fondée sur un système masculin, les filles ont du mal à trouver leur place à l’école et la relation qui se tisse avec l’enseignant en classe ne les y aide pas.

Notes
99.

Fraisse, G. (2004). Déjà cité.

100.

D’Ouville, L. (2000). Ecole et mixités. séminaire université de psychologie / IUFM, Lyon. 17 mars.

101.

Pujade-Renaud, C. (1983). Le corps de l’élève dans la classe. Paris : ESF. (p.148).

102.

Bachelet, P. (1992). La fausse évidence de la mixité dans l’enseignement élémentaire et primaire. In C. Baudoux et C. Zaidman (Eds.), Egalité entre les sexes. Mixité et démocratie. (pp.31-40). Paris : L’Harmattan.

103.

Mosconi, N. (1989). Déjà cité. (p.73).

104.

Volondat, M. (1979). Déjà cité.

105.

Mosconi, N. (1989). Déjà cité.

106.

Pujade-Renaud, C. (1983).Déjà cité.