II.3. De sérieuses collaboratrices pour l’enseignant

Au cours de leur cursus scolaire, les filles prennent plaisir à apprendre même si les enseignants ne les valorisent pas autant que les garçons. Pourtant ils leurs reconnaissent des qualités indéniables : elles sont considérées comme de précieuses « auxiliaires sociales » 107 dans la gestion de la classe. Elles font leurs devoirs en rentrant à la maison et sont mieux organisées, elles « adhèrent plus à la chose enseignée » (Zaidman, 1996) 108 . Elles se montrent plus constantes, plus travailleuses quel que soit le contexte, aussi les enseignants n’hésitent pas à s’appuyer sur elles pour la gestion quotidienne de la classe.

En cours, quand elles sont en difficulté elles restent très discrètes, l’enseignant ne les remarque pas car elles savent se faire oublier alors qu’à l’inverse les garçons monopolisent l’espace sonore. Quand elles réussissent, elles doivent affronter l’agressivité des garçons envers elles sans se couper des autres filles. Les classes à majorité de filles sont plus calmes et plus studieuses comme si les garçons s’y sentaient submergés par le nombre ; alors que les classes à majorité de garçons sont soumises à des tensions, des violences, de l’agressivité, des moqueries, que l’enseignant devra tenter de maîtriser en leur permettant d’apprendre à respecter les autres, les différences. Les filles sont protégées par leur attitude 109 et l’enseignant les intègre volontiers comme « aides sociales » 110 . Malgré tout, elles sont jugées sur la présentation de leurs prestations, leur apparence, leur tenue. Elles se décrivent selon les stéréotypes normés de leur sexe qui révèlent leur sentiment d’être mises en infériorité dans le contexte de la mixité. Dans la réussite d’une tâche, elles attribuent leur score à de la chance alors que les garçons l’attribuent à leur propre compétence. Ils semblent développer une meilleure évaluation de leur comportement ce qui peut être attribué aux types de situation d’apprentissage qui leur sont plus souvent favorables. « la valeur subjective donnée aux tâches à réaliser […] serait le médiateur le plus fort entre le sexe » (Duru-Bellat, 1994). Les garçons sont valorisés pour leurs performances ce qui les amène par conséquent à surestimer leur propre niveau. Ils savent tout sur tout, donnent volontiers leur avis en le clamant haut et fort, ils sont généralement considérés comme plus intelligents que les filles, réussissant facilement sans travailler.

Les enseignants jouent inconsciemment sur l’opposition des comportements de sexe entre les élèves pour maintenir une ambiance de classe axée sur le travail et éviter l’agitation des garçons. Or, le rôle qu’ils font endosser aux filles les cantonne dans une position dominée.

Notes
107.

locution empruntée à G. Cogérino.

108.

Zaidman, C. (1996).Déjà cité. (p.141).

109.

Idem. Déjà cité. (pp.150-151).

110.

Voir à ce propos l’enquête Terret et Cogérino sur la mixité. La recherche de mots clés dans l’encart de libre expression laissé aux enseignants montre que les femmes et les hommes ont un rapport utilitariste aux filles dans la gestion de la classe mixte.