II.2. Gestion des activités physiques en EPS

Le problème de la gestion des APSA dans les cours d’EPS mixtes n’est pas une question spécifique à la France.

Aux Pays-Bas, par exemple, les enseignants sont confrontés aux mêmes difficultés de gestion et tentent d’y remédier. Les solutions proposées suggèrent deux voies de remédiation dans les mises en œuvre :

En France, au début des années 1980, Volondat 170 expose le problème en terme d’opposition : soit les pratiques féminines et masculines sont identiques et peuvent alors être adoptées par les filles et les garçons, soit les pratiques sont différenciées : certaines APS sont féminines, d’autres masculines et enfin d’autres encore constituent des dénominateurs communs. Or, poursuit-il, l’observation des cours d’EPS montre que les filles et les garçons pratiquent séparément les activités suivant des modalités identiques. Ces assertions déjà un peu anciennes font aujourd’hui l’objet de discussions véhémentes. Le débat n’est pas clos, bien qu’il soit posé depuis de nombreuses années, les avis divergent toujours et se confrontent.

Il semblerait que la plupart des APSA programmées dans les cours d’EPS soient connotées masculines par la grande place qu’occupent par exemple les sports collectifs ou les sports duels. A l’instar de Coupey (1995) 171 on peut s’interroger sur les répercutions des ces programmations qui tendent vers la norme masculine. D’autres exemples issus d’observations de la pratique appuient notre propos.

En effet, Coupey s’interroge sur l’impact que peuvent produire les différentes pratiques féminines et masculines sur les filles et les garçons car la plupart des activités proposées en EPS sont connotées masculines. L’argument de la construction du rapport au corps semble pertinent dans le poids que peut prendre une activité pour un individu. Le rapport au corps est conditionné par la culture de classe et de genre, influençant le rapport à l’espace, au jeu, à la nature que l’individu s’est construit et qui détermine son choix d’activité sportive. Les APS mettent en jeu le corps de chacun sous le regard des autres, et parfois l’oblige au contact ; dans le cadre de l’école ces conditions et contraintes ne sont pas négligeables. Les pratiques du corps ne se donnent pas à voir de manière identique si l’on est femme ou fille, homme ou garçon ; leur distribution est inégale : « Elles se posent en révélateur des attendus sociaux pesant sur les deux sexes, et des relations qui les lient » (Davisse, Louveau, 1998) 172 . Deux formes de rapport au corps se mettent en tension l’une et l’autre. L’une est féminine, de « création personnelle », d’un corps ressenti et inventif, l’autre, compétitive, toute en force et en puissance, éminemment masculine (Faure, Garcia, 2003) 173 . Cette forme différenciée des pratiques physiques suivant les sexes peut s’exprimer en termes plus caricaturaux, opposant une activité traditionnellement féminine comme la danse ou l’aérobic, à une activité masculine comme le football ou la boxe.

Dans une recherche empirique sur l’observation d’une association sportive danse, Faure et Garcia (2003) 174 montrent dans le cadre de la danse hip-hop en collège que pour une même activité, filles et garçons s’entraînent au sein de groupe unisexe dans deux espaces séparés de la même salle. C’est le renforcement des stéréotypes sociaux et sexuels, induit par la mixité, qui sert de facteur explicatif à l’installation de cette différence, conduisant à la reproduction de rôles sexués : les filles conçoivent collectivement la chorégraphie sous le regard de l’enseignante et les garçons s’entraînent individuellement aux figures les plus risquées.

Ainsi, la mise en place d’espaces « ensemble-séparés » (Goffman, 2002) 175 , mentionnée dans les études ethnographiques, est reproduite au sein du cours de danse. Les filles ont été cadrées par l’enseignante pour adhérer au rôle féminin adéquat, classiquement attendu dans le cadre de l’association sportive, cherchant à rendre esthétique l’organisation d’un ensemble de mouvements. Les garçons, eux, ont pu exprimer leur désir plus librement, car l’enseignante avait le souci de les maintenir dans son cours, tirant un certain prestige de leur présence dans cette activité. Des inégalités de sexe ont été introduites dans le traitement des élèves par l’activation de stéréotypes. Dans le contexte de cette étude, les attentes de l’enseignante ont renforcé la construction des identités sexuelles et la logique sexuée des savoirs mis en œuvre en EPS.

L’adhésion ou le rejet de la mixité ne s’appuient pas sur les mêmes arguments selon les élèves filles ou garçons et selon les enseignants. Les observations empiriques montrent que la programmation des APSA selon leur connotation sexuée et les formes de pratiques différenciées volontairement mises en place ou fortuites contribuent au maintien des stéréotypes de sexe. Les recherches mises en œuvre actuellement ne proposent que des ébauches de solution.

Notes
168.

Scraton, S. (1992). Shaping up to Womanhood : gender and girls’physical education. Buckingham : Open University Press.

169.

Van Essen, M. (2003).No Issue, No Problem ? Co-education in Dutch Secondary Physical Education during the Twentieth Century. Gender and Education, 15 (1), 59-74.

170.

Volondat, M. (1979). Déjà cité.

171.

Coupey, S. (1995). Pratiques d’EPS au CP et différences de performance entre filles et garçons. Revue Française de Pédagogie, 110, 37-50.

172.

Davisse, A. et Louveau, C. (1998). Sport, Ecole, Société : la différence des sexes. Paris : L’Harmattan.

173.

Faure, S. et Garcia, M-C. (2003). Déjà cité.

174.

Idem.

175.

Goffman, E. (2002). L’arrangement des sexes. (Traduction Maury H.). Paris : La Dispute.