III. Différentes pistes pour l’enseignement mixte au fil du temps.

Il est vrai qu’en EPS, le problème n’a pas été clairement posé quant au dépassement de la juxtaposition des sexes au profit de la promotion de la coéducation.

Ainsi que le fait remarquer Van Essen (2003), la coéducation en éducation physique est difficile à réaliser. La principale cause de difficulté semble être la persistance des cultures sportives traditionnelles féminines et masculines et des comportements physiques stéréotypés. Dans ce contexte un curriculum uniforme est difficile à mettre en pratique.

La culture sportive possède une image plus masculine que féminine, cette image est renforcée par le nombre plus important d’hommes que de femmes professeurs d’éducation physique ; en conséquence les femmes constituent une minorité dans les équipes pédagogiques. En outre, elles se plaignent d’avoir à résoudre plus fréquemment des problèmes de discipline avec les garçons ainsi que nous l’avons vu précédemment (Aartsma et al., 1994 cité par Van Essen) 195 .

‘« L’EPS révèle aux autres disciplines scolaires qu’à travers le savoir passe quelque chose de plus que le savoir, elle leur dit que la sexuation des partenaires de l’acte éducatif peut avoir une influence sur l’appropriation des savoirs » (Labridy, 1989) 196 .

Selon l’enquête récente réalisée par le CRIS Lyon 197 auprès de six académies du sud de la France, les pratiques les plus connotées sexuellement sont moins souvent proposées en mixité dans les lycées. Ainsi l’enseignant propose de pratiquer la gymnastique, le badminton et la natation en mixité, alors qu’il (elle) hésitera davantage pour les activités plus connotées : danse, GR, combat, sports collectifs de grand terrain. Le défi de la mixité en EPS ne peut être relevé que si l’on s’assure que les élèves (filles et garçons) s’engagent dans les activités, stimulés par le désir d’agir grâce à des contenus non neutres 198 .

L’exploration de la Revue EP.S fait apparaître le thème récurrent du choix des APSA dans notre discipline montrant ainsi que le problème est loin d’avoir trouvé des solutions satisfaisantes. En lycée 199 , certains enseignants proposent des activités féminines, masculines, neutres pour la programmation annuelle. Les élèves travaillent en binômes mixtes et fixes pour la durée du cycle. Selon les APSA, les rapprochements peuvent être par affinité en danse, par niveau en football, par besoin d’apprentissage en badminton et athlétisme. Si au début du cycle le leader du binôme est une fille ou un garçon suivant la connotation de l’APSA pratiquée, ce leadership s’estompe ensuite. Chaque élève est responsable de sa propre pratique et de celle de son binôme. Les notes obtenues sont identiques pour les deux élèves. Selon les auteurs, la construction de la mixité devient positive puisque les filles amènent les garçons à construire leur projet, et les garçons dynamisent l’investissement et l’action 200 . Certaines activités moins pratiquées permettent de dépasser le clivage féminin/ masculin.

Malgré la recherche de solutions aux problèmes posés par la mixité, soulever la question des choix de pratiques sportives à programmer pour améliorer la mise en place d’une mixité de fait en EPS n’est pas toujours bien accueillie. Cela fait l’objet de débats « musclés » entre femmes et hommes où les premières ont du mal à se faire entendre. Les propositions de pratiques ponctuellement non mixtes ne font pas l’unanimité, il n’y a d’ailleurs pas de preuve d’un meilleur apprentissage dans ces conditions.

La recherche de pratiques nouvelles permettant de dépasser le clivage féminin/ masculin en évitant la symbolique sexuelle attribuée aux APS, se poursuit sur le terrain. Les activités ludiques sont plébiscitées par les filles et les garçons de même que les activités de type « aventure » qui plaisent beaucoup aux adolescents qui aiment prendre des risques. Ces différentes propositions peuvent constituer des pistes.

Actuellement, après des tâtonnements, les programmations d’EPS dans les établissements se suffisent de la juxtaposition de quelques nouvelles activités telles le cirque, le jonglage, l’acrosport, la course d’orientation, l’escalade, l’ultimate sans jamais creuser le fond du problème. Pourtant il est certain qu’une meilleure information des enseignants sur ces difficultés fondamentales leur permettrait de mettre en place des programmations d’APS et des contenus qui « ouvriraient davantage le champ des possibles » 201 .Nous avons évoqué les problématiques de la mise en place de la mixité en EPS. Si son évolution a oscillé entre la prise en compte d’une spécificité des filles et sa négation, la tendance actuelle montre que la question de la présence simultanée des filles et des garçons est réglée par les textes officiels mais les tâtonnements sur le terrain en traduisent la difficile réalité. Prendre en compte les différences entre les élèves des deux sexes n’est pas chose simple lorsque l’on tente de considérer les effets subséquents. De nombreux paramètres sont à prendre en compte et à gérer par l’enseignant : forme de groupement, spatialité, temporalité, type d’apprentissage. La mise en jeu d’un corps sportif exhibé aux pairs dans le contexte de la classe n’est pas aisée en cette période d’adolescence où les changements corporels sont majeurs et encore peu assumés. Les stéréotypes de sexe sont très fortement marqués dans ces contextes au détriment des filles et en faveur des garçons. L’EPS en tant que discipline masculine entérine ces difficultés de la part des filles, le rôle du professeur peut être déterminant pour leur engagement. La manière dont l’enseignant s’y prend avec les filles et les garçons est tout aussi déterminant pour leur engagement que la sélection qu’il produit des contenus à enseigner. Dans le contexte de l’éducation physique, la corporéité de l’enseignant peut contribuer à véhiculer une image du corps qui libère ou qui contraint. Quoiqu’il en soit, que l’on adhère ou non à la mixité, les observations empiriques nous interpellent sur les conséquences de la programmation des APSA selon leur connotation sexuée ou sur les formes de pratiques qui ne permettent pas de dépasser les stéréotypes de sexe. Aujourd’hui les recherches théoriques et empiriques sur cette problématique se poursuivent.

Notes
195.

Aartsma, D. et al. (1994). Coëducatie in de lichamelijke opvaeding. Baarn : Bekadidact.

196.

Labridy, F. (1987).Le sport féminin, l’éducation physique féminine. L’insertion des femme dans l’organisation sociale, du clivage des sexes à la mixité des pratiques, Revue STAPS, Histoire et civilisation, numéro spécial CAPEPS écrit 1.

197.

Terret, T. et Cogérino, G. (2002). CRIS Lyon I. Notes personnelles.

198.

Davisse, A. (2004). La mixité en EPS : une affaire de contenus.. Revue Contre pied. EPS sports cultures, 15.

199.

. Le Goff, C. (2002). Mixité : un tremplin pour réussir en EPS. Revue EPS, 295,40-45.

200.

Nous nous trouvons ainsi confrontée à une démarche instrumentale de l’enseignant.

201.

Expression empruntée à Nancy Midol-Beauchamp (1981).