Deuxième partie. Mixité en EPS et identités de genre de l’enseignant et des élèves

Si les sexes forment les figures opposées et exclusives l’une de l’autre d’une même réalité humaine, ces archétypes sont parfois brouillés. Le soleil ou la lune, le jour ou la nuit peuvent selon les cultures et les époques évoluer tantôt vers des figures masculines, tantôt vers des êtres féminins. Cette hésitation entre le féminin et le masculin se rencontre régulièrement à travers les mythes compris comme une « projection des imaginaires préverbiaux, du ressenti, du vivre dans son corps. » (Dolto, citée par Moatti-Gornet, 1999) 202 .

Dès l’Antiquité, les récits mettent en scène des personnalités mythiques dont la substance est double, parfois triple, ce qui laisse planer le doute sur leur genre. Surgie spontanément armée d’une lance et d’une cuirasse, Athéna, la déesse guerrière combat les géants aux côtés de Zeus mais elle incarne dans le même temps la paix, dans une ambivalence toute mythique. Diane, figure antique romaine, revêt une triple personnalité : chasseresse munie d’un arc, elle est aussi une femme d’une beauté éblouissante mais encore un personnage d’une froide luminosité liée au monde des Enfers et possédant une puissance sur les morts, ainsi que l’astre lunaire qui la symbolise. La belle Aphrodite représente, elle aussi, une déesse à la personnalité double : divine souveraine gracieuse, elle est tout autant redoutable. Divine créature dominatrice, elle impose une tyrannie de l’amour dont elle brûle les mortels. Aphrodite est dangereuse, tout autant excessive dans l’amour que dans la haine pour tout homme qui refuse de se soumettre à sa volonté 203 .

Ces personnages mythiques sont parfois reconnus dans leur ambivalence sexuée comme les Amazones, ces femmes guerrières à la nature androgyne. Ces femmes viriles dont l’agressivité, la cruauté et la propension à guerroyer indiquent une surabondance de force vive et d’énergie vitale. La mutilation de leur sein gauche constituerait une tentative pour abolir partiellement leur féminité. Les Amazones entrent en conflit avec Héraklès le Héros le plus fort de la mythologie grecque. Celui-ci sera humilié par la reine Omphale qui l’obligeait à se travestir en femme et à effectuer pour elle des travaux de couture, assis à ses pieds 204 .

Ainsi la nature féminine n’est pas toujours celle qu’on croit. Les sociétés primitives étaient-elles sous l’égide des femmes érigées en déesse par la puissance symbolique de la fécondité et la nécessité de la reproduction pour la survie de l’espèce ? La culture et ses formes symboliques nous permettent de comprendre la subtilité de ces mécanismes inconscients qui aboutissent à la production et à la reproduction de la féminité, ainsi que nous le conte une histoire venue d’Amérique latine 205 . A l’origine, ce sont les hommes qui s’occupaient des enfants car les femmes mouraient en les mettant au monde. Les hommes avaient alors des seins et les allaitaient. La mère nourricière était en fait le père biologique qui imposait sa domination sur la femme en lui ouvrant le ventre afin de faire sortir l’enfant qu’elle portait, la condamnant ainsi à la mort. Observant la nature, la femme vit que les femelles mammifères allaitaient elles-mêmes leurs petits, prise de colère elle se rua sur son mari et lui arrachant les seins elle les plaqua contre son propre corps. Alors la femme est devenue un mal nécessaire à la société.

Les mythes antiques véhiculent des valeurs moins dichotomiques que celles socialement rattachées aux deux sexes dans la période contemporaine. La notion de genre permet également de prendre plus finement en compte ce qui se rattache à l’identité de l’individu et son ambivalence : féminin ou masculin, homme ou femme et les multiples combinaisons qui se rattachent à ces deux variables.

Notes
202.

Moatti-Gornet, D. (1999). Qu’est-ce qu’une femme ? Traité d’ontologie. Paris : L’Harmattan. (p.25).

203.

Brunel, P. (2002). Dictionnaire des mythes féminins. Editions du Rocher.

204.

Libis, J. (1980). Le mythe de l’androgyne. Paris : Berg International. (p.115).

205.

Milagros, P. (1991). Le ver et le fruit. L’apprentissage de la féminité en Amérique latine. Paris : Côté-femmes.