I.3. Identité sexuée

La discrimination visuelle des individus par le critère de l’identité sexuée est immédiate grâce à un jugement sommaire et superficiel. Ce sont pourtant les critères affectifs et personnels qui confirment cette thèse et incitent à penser que l’individu est vraiment féminin ou masculin (Braconnier, 1996) 218 . Ainsi donc, les stéréotypes sociaux semblent au moins aussi prégnants dans la reconnaissance d’une personne que les critères d’apparence physique. La psychologie sociale a mis en évidence la présence constante de stéréotypes dans les représentations sociales du masculin et du féminin. On peut illustrer cette idée imageant le rôle du père et de la mère au sein de la famille tiré de livres pour enfants : « papa lit et maman coud ». Les styles émotionnels sont également influencés par les stéréotypes suivant le sexe de l’individu, c’est pourquoi on peut entendre : « le petit garçon ne doit pas pleurer quand il tombe » mais « en disant adieu à sa fille, la maman serre son mouchoir dans sa main »

Certes, l’identité sexuée est soumise à l’influence du groupe familial ou des pairs, elle subit les normes des stéréotypes de sexe, mais par quel processus se construit-elle ? La construction de l’identité sexuée s’effectue par un échange permanent entre l’intérieur et l’extérieur corporel.

« L’humain se construit dans un mouvement dialectique du dedans et du dehors. Le corps est le début et la fin de l’être » (Anzieu, 1997) 219 .

En fait, l’environnement social influence de manière primordiale la construction de l’identité sexuée. L’identité sexuée est un processus qui commence dès le premier âge et se poursuit tout au long de l’enfance pour s’achever avec la maturité sexuelle de l’adolescence.

Les premiers objets que l’enfant, fille ou garçon, apprend à connaître sont le ressenti par les lèvres et la bouche à travers l’action de succion. Par exemple, pour la fille, la perception privilégie l’ensemble du ressenti interne et participe à la sexualisation.

« […] tout est concentré dans l’espace intérieur, la fille se perçoit en creux, comme une enveloppe » (Anzieu, 1997).

L’enfant poursuit la construction de son identité sexuelle à travers l’identification aux parents et par extension à leurs rôles sociaux de genre. Les explications fournies par la psychologie précisent que l’enfant construit tout au long de son développement un modèle cognitivo-affectif de ce qu’il doit être pour répondre à l’attente de ses parents et être aimé d’eux. Ce modèle produit une interprétation par l’enfant des messages conscients et inconscients des parents 220 . En entendant ses parents parler de lui (ou d’elle) ou lui adresser la parole, l’enfant émet des hypothèses sur ce que son père et sa mère espèrent de lui à titre de comportements, attitudes, émotions… . L’enfant défini comme garçon ou comme fille va se trouver confronté à des pressions éducatives qui vont orienter son comportement. Il va être contraint de choisir certains rôles à partir de ce qu’il imagine de son propre sexe (Le Maner-Idrissi, 1997) 221 .

La formation de l’identité sexuelle prend fin à l’adolescence avec l’apparition de la fonction génitale. A ce moment crucial, la valeur que le jeune accorde aux normes sociales de sexe est aussi importante que les transformations physiques elles-mêmes (Mosconi, 1994) 222 . C’est à ce moment que la composante psychique de l’Animus 223 se développe chez la fille, lui permettant de construire sa pensée critique si les parents, notamment le père, la laisse exprimer ses pulsions masculines. Il en va de même pour le garçon ; cependant ce processus est souvent bridé chez la fille. Pour le même sujet, cette construction oppose les composantes inconscientes masculine et féminine ce qui peut générer un conflit identitaire (Di Lorenzo, 1997) 224 . La place qu’accorde la famille à l’identité sexuelle et aux rapports des sexes entre eux produit des effets non négligeables dans la construction de la sexualité surtout en cas de conflit identitaire.

L’identité se construit par un processus complexe et multiple qui permet à chaque individu d’être unique. Deux jumeaux, de même sexe, constitueront des individus uniques et différenciés car ils n’auront pas construit la même identité, n’auront pas perçu les mêmes stimuli, n’auront pas adhéré au même groupe, n’auront pas interprété de la même manière les messages de leurs parents ou de leur pairs. Dans le cas d’individus de sexe différent, cette unicité se construit sur d’autres critères qui se surajoutent aux précédents.

Notes
218.

Braconnier, A. (1996). Déjà cité. (p.11).

219.

Anzieu, A. (1997). La femme sans qualité. Esquisse psychanalytique de la féminité. (2ème éd.). (pp.10-58). Paris : Dunod.

220.

Chiland C. (1997). L’identité sexuée : clinique et méthodologie. In Coslin Pierre G., Lebovici S., Stork H.E. Garçons et filles, hommes et femmes. Aspects pluridisciplinaires de l’identité sexuée. (p. 25 et suivantes). Paris : PUF.

221.

Le Maner-Idrissi, G. (1997). L’identité sexuée. Paris : Dunod.

222.

Mosconi Nicole (1994). Déjà cité. (p.29).

223.

Animus : Composante masculine inconsciente de la femme elle comporte son pendant pour l’homme à travers l’Anima composante féminine inconsciente de l’homme. Ces facteurs complémentaires et compensatoires sont essentiels dans la dynamique de la personnalité des deux sexes. Di Lorenzo, S. (1997). La femme et son ombre (traduction française). Paris : Albin Michel.

224.

Di Lorenzo, S. (1997). Idem.

Nous verrons dans la suite de notre exposé que ce conflit identitaire est parfois ressenti par les femmes sportives ou par les hommes qui s’occupent de jeunes enfants.