II.1. Catégorisation des sexes

Il est un préalable à la différence des sexes, c’est leur présence simultanée. Cette co-occurrence permet la discrimination et induit la comparaison.

La discrimination des deux sexes permet la catégorisation du monde selon deux classes construites à partir de la sélection d’un faible nombre d’indicateurs. Par ailleurs, on remarque que les variations à l’intérieur d’une classe sont parfois plus importantes que les variations entre les classes. Les variations entre la féminité et la masculinité ont été maintes fois constatées dans le monde domestique, le travail, les loisirs. L’expression et la reconnaissance de ces variations fournissent un support aisé pour simplifier et naturaliser les différences entre les sexes et ce en les limitant au phénomène de la reproduction. Dans le contexte social, les deux classes sont ainsi définies et hiérarchisées selon un fonctionnement asymétrique (Hurtig, Kail, Rouch, 2002) 230  : la classe masculine étant considérée comme supérieure à la classe féminine. Or la définition du sexe a ses propres limites : elle dispose de contours flous, de décalages, de bizarreries 231 , qui illustrent toute la subjectivité de la catégorisation par la variable sexe.

Les conséquences de cette hiérarchie des sexes sont lourdes. Dans sa construction cette hiérarchie se définit dans le rapport à l’autre, dans le rapport au masculin dominant. La femme est englobée dans un monde masculin qui constitue l’universel et la prive d’une subjectivité et d’une autonomie propre. Dès l’enfance, la fillette discerne un rapport discriminant à l’autre qui fonde son identité : « le rapport intersubjectif est fondateur, il s’agit d’un univers du « deux » et non du « un », la petite fille se construit comme et avec sa mère » (Anzieu, 1997) 232 . La femme vit dans un monde « du même », de « l’identique à la mère », sous le contrôle de l’homme. Elle se perçoit comme une cavité (Anzieu, 1997), se sentant envahie dans son espace personnel et intime par ceux dont elle a la charge ou par le travail, comme si elle ne parvenait pas à maîtriser les frontières de son corps (Barral, 1999) 233 .

Le monde masculin quant à lui « est centré sur la construction de l’ego », il privilégie le monde des objets matériels ou spirituels qui permettent l’autonomie et fondent la relation aux autres sur l'échange des objets, des instruments tels : « le langage, l’argent, les technologies, l’information » (Irigaray, 1995) 234 . Les hommes sont ainsi centrés sur ce qui sort de leur corps, sur l’extériorité, ils valorisent les actions effectuées sur l’environnement même lorsque celui-ci est humain (Barral, 1999) 235 .

Les différences énoncées entre les filles et les garçons se confirment à l’âge adulte. Dans leur modalité de construction et d’expression les femmes et les hommes sont influencés par la hiérarchie des sexes qui découle de cette catégorisation binaire et asymétrique.

Notes
230.

Hurtig, M.-C., Kail, M. et Rouch, H. (Eds.), (2002). Sexe et genre. De la hiérarchie entre les sexes. Paris : CNRS.

231.

Badinter, E. (1992). Déjà cité.

232.

Anzieu A. (1997). Déjà cité. (pp.10-58).

233.

Idem.

234.

Irigaray, L. (1995). Femmes et Hommes, une identité relationnelle différente. In EPHESIA, La place des femmes: les enjeux de l’identité et de l’égalité au regard des sciences sociales. (pp.137-142). Paris : La Découverte. Collection : Recherches.

235.

Barral, W. (1999). F. Dolto, c’est la parole qui fait vivre. Une théorie corporelle du langage. Paris : Gallimard. (p.250).