IV. Construire une identité de genre

Dès la naissance tout être humain est classé dans l’une des deux catégories de sexe.

Les parents et la société considèrent alors l’enfant par le sexe attribué par le médecin et enregistré à l’état civil. Les parents apprennent à l’enfant qu’il est un garçon (sexe mâle) ou qu’elle est une fille (sexe femelle). S’engage alors un processus qui encouragera certains comportements et en découragera d’autres 328 . Grâce à ces renseignements par l’intermédiaire d’une grille de lecture cognitive qui génère des attentes, des comportements, des généralisations différentes selon le sexe du sujet et des autres, l’enfant développera son identité de genre (Bem, 1981) 329 .

Les femmes et les hommes peuvent choisir d’être plus ou moins en accord avec les attributs et valeurs attachés aux stéréotypes de leur propre sexe. Ils construisent leur identité de genre à travers l’expression de la conviction intime qu’ils ont d’être femelle ou mâle. Le sentiment de genre devient plus accessible quand l’individu se permet d’aller au-delà des contraintes sociales et accède librement à la composition de son comportement sans être enfermé par des normes 330 . Dans la composition psychologique de son identité de genre, l’individu prend en compte les attributs que les autres lui prêtent (Unger, 1986) 331 . Cette construction exclut la dimension sexuelle dans tous les aspects qui ont trait à la sexualité et aux relations qu’elle implique entre les sexes (Le Maner-Idrissi, 1997) 332 .

La lecture cognitive de l’environnement filtre les informations perçues afin de leur donner sens à la lumière de l’identité de genre. Cette structuration génère des comportements et des attentes différenciées selon le genre de l’individu autour d’un pôle masculin ou féminin. Ce filtre fonctionne dès l’enfance : les premières relations dans le contexte familial fondent l’accès différencié à l’affectif, au langage et à la culture qui serviront de guide aux filles et aux garçons pour la construction d’un devenir différent. Chaque individu construira son genre de manière individuelle et variable selon l’importance qu’il accorde à sa féminité ou à sa masculinité. Par exemple, les sujets de genre non différencié ne sont pas très attachés aux caractéristiques identitaires fondées sur le genre (Fontayne, 2003) 333 .

Féminin et masculin peuvent se décliner au pluriel car la construction individuelle est riche de variabilité « des qualités assignées au masculin et au féminin, en insistant sur la hiérarchie qui valorise le premier au détriment du second » (Hertz, Martin, Rey, 2002) 334 .

Actuellement on remarque une certaine homogénéisation sociale lente, cependant elle a tendance à s’effectuer autour du modèle masculin et de ses valeurs instrumentales au détriment du modèle féminin et de ses valeurs de sensibilité et d’expressivité. En parallèle on assiste à une crispation des valeurs sexuées, chaque sexe s’accroche à ses stéréotypes, la virilité chez les garçons, l’esthétique chez les filles.

Si le modèle masculin est amené à se morceler, alors certains auteurs estiment qu’il laissera : « la place à une diversité de modèles masculins et féminins » (Welzer Lang) 335 , la complémentarité entre ces deux modèles favoriserait l’accroissement de la richesse créative 336 .

Notes
328.

Couchot-Schiex, S. (2000). Curricula et identité sexuée en Education Physique et Sportive. Mémoire de DEA en Sciences de l’Education. Université Lumière Lyon II.

329.

Bem, L. S. (1981). Gender-schema theory: a cognitive account of sex typing. Psychological Review, 88.

330.

Hurtig, M-C. et Pichevin, M-F., (1986). Déjà cité.

331.

Unger, R.K ; (1986). Pour une nouvelle définition du sexe et du genre. In M.C. Hurtig et M.F. Pichevin, La différence des sexes, Questions de psychologie. Paris : Tierce.

332.

Le Maner-Idrissi, G. (1997). L’identité sexuée. Paris : Dunod.

333.

Fontayne, P. (2003). Séminaire CRIS. Lyon I. Notes personnelles.

334.

Hertz, E. ; Martin, H. ; Rey, S. (2002). Composer avec l’égalité : re(ma)niements masculins. In Collectif.. Les répertoires du masculin. Nouvelles questions féministes, Revue Internationale Francophone, 21 (3), 4-13.

335.

Welzer Lang, D. (2004).La construction du masculin. Entretien avec.In Dossier sciences humaines: Hommes/femmes, quelles différences ? Revue Sciences Humaines,146, 32-33.

336.

Touati, A. (1994).Déjà cité.