I. BSRI

En 1974, l’américaine Sandra Bem a construit un questionnaire visant à mettre en évidence le caractère androgyne remettant en cause la dichotomie habituelle de la bipolarité féminin/masculin des individus.

Le questionnaire est constitué de 60 items répartis en 3 sous-échelles 343 , 20 items correspondent à des caractéristiques masculines, 20 autres correspondent à des caractéristiques féminines et 20 items sont neutres par rapport aux caractéristiques de sexe, le choix de ces caractéristiques étant commandé par l’évaluation positive plus désirable pour un sexe que pour l’autre. L’aspect positif des éléments de comportement est systématiquement recherché. Après avoir confirmé par pré-test les items à retenir selon les caractéristiques sexuées, Bem valida le test final par son administration à une population de 2000 étudiants d’un campus américain. En combinant les résultats des échelles de féminité et de masculinité, il devient possible de mesurer le caractère androgyne. Les personnes qui obtiennent les scores les plus élevés sur les deux échelles (féminité et masculinité) sont considérées comme androgynes.

Ce test nommé BSRI (Bem Sex Roles Inventory) suit le protocole suivant : l’expérimentateur demande au sujet d’indiquer sur une échelle graduée à 7 échelons (de type échelle de Likert) dans quelle mesure chaque caractéristique le décrit : de 1 « jamais ou presque jamais vrai » à 7 « toujours ou presque toujours vrai ». Aujourd’hui, deux tests validés peuvent être administrés : le test type dans sa version initiale, version longue (60 items) issu de Bem et traduit dans sa version française par Hurtig et Pichevin (1986) 344 et différents tests dans une forme abrégée comme celui validé par Tostain(1993) 345 comprenant 9 items masculins et 9 items féminins qui est supposé mieux adapté à la population française actuelle ou celui validé par Fontayne (1999) 346 notamment adapté à un public d’adolescents.

Le BSRI permet de définir le degré de stéréotypie selon le sexe dans la représentation de soi du sujet par l’importance des totaux respectifs aux items féminins et masculins. Si le score de masculinité est plus élevé, le sujet a un rôle de sexe masculin et inversement pour le féminin. Si les scores de masculinité et féminité sont approximativement égaux, le sujet a un rôle androgyne qui correspond à une appropriation égale des caractéristiques des personnalités masculines et féminines.

Dans la version de Bem (1974), sur l’échantillon des 2000 étudiants, un tiers a pu être classé conforme à son sexe, un autre tiers comme androgyne, moins de 10% des sujets ont présenté une typologie inversée (cross-typed) 347 .

Le BSRI est un outil de mesure de la construction du schéma de genre des individus. Il faut l’envisager comme un instrument récoltant des données qui ne sont pas stables dans le temps, la construction du schéma de genre étant un processus susceptible de variations temporelles. Il est contextualisé par l’aspect social des valeurs support du test et particulièrement approprié à l’évaluation d’une population nord occidentale.

Bem a mis au point une expérimentation qui fait suite à celle du BSRI. Après avoir passé le test, la recherche mise en place souhaitait mesurer l’engagement des individus selon leur genre dans des situations conformes ou non avec leur rôle de genre. Les situations proposées confortaient l’aspect instrumental pour les tâches masculines et l’aspect expressif pour les tâches féminines. Les résultats ont montré que les individus masculins et féminins évitent de s’engager dans des activités conformes au sexe opposé. Les individus dont le genre est conforme à leur groupe de sexe sont significativement plus stéréotypés dans leurs choix que les sujets androgynes ou typés comme le sexe opposé (cross-typés). Autrement dit, l’homme masculin et la femme féminine ont eu tendance à choisir davantage les activités de leur propre sexe et à rejeter celles de l’autre sexe. Ce qui provoque chez ces individus des réponses d’évitement inutiles et pouvant être dysfonctionnelles.

Plus particulièrement, pour les femmes les constats suivants ont été établis :

  • Les femmes masculines ont montré plus d’indépendance que les autres femmes mais elles sont restées « maternelles » dans des situations où le contexte les pousse à l’être. Mais elles n’ont pas réussi dans le domaine « expressif ».
  • Les femmes féminines ne se sont pas montrées particulièrement « maternelles » dans les conditions de l’expérience et elles se sont montrées faibles dans le domaine « instrumental ».
  • Les femmes androgynes ont volontiers manifesté des comportements non étiquetés pour leur sexe et se sont comportées avec autant d’aisance dans le domaine « instrumental » que dans le domaine « expressif ».

Plus particulièrement, pour les hommes les constats suivants ont été établis :

  • Les hommes masculins ont montré une attitude « maternante » peu développée et ils se sont montrés faibles dans le domaine « expressif ».
  • Les hommes androgynes ne se sont pas mis dans un comportement d’évitement des tâches étiquetées féminines. Ils ont été capables de mettre en œuvre à la fois le domaine « instrumental » et « expressif ».
  • Les hommes féminins se sont montrés faibles dans le domaine « instrumental ».

Pour les hommes et les femmes sex-typés, la conformité au groupe de sexe limite le comportement. Les hommes et les femmes masculins manifestent beaucoup d’indépendance. Les hommes et les femmes féminins ont montré une grande propension à l’attitude maternante.

Tableau 1 : Synthèse des orientations instrumentales versus expressives des femmes et des hommes selon leur genre.
Sexe Femmes Hommes
Genre M F A M F A
Situations féminines Oui Non Oui Non   Oui
Situations masculines     Oui      
Situations expressives Non   Oui Non   Oui
Situations instrumentales   Non Oui   Non  
Attitude maternante   Oui     Oui  

Notes
343.

Fontayne, P. (1999). Motivation et activités physiques et sportives : l’influence du sexe et du genre sur la pratique du sport et de l’EP. Thèse STAPS non publiée, Université Paris Sud Orsay.

344.

Hurtig, M-C. et Pichevin, M-F. (1986). Déjà cité. (p.296).

D’autres traductions françaises ont été effectuées : Alain, 1987 ; Durand-Delvigne, 1992 ; Gana, 1995.

345.

Tostain, M. (1993). Androgynie psychologique et perception de la déviance : aspects développementaux. Revue Internationale de Psychologie Sociale, 6, 87-104.

346.

Fontayne, P. (1999). Déjà cité.

347.

Les individus de genre sex-typés (néologisme français pour sex-typed) ont une adéquation entre le sexe et le genre, i.e. les hommes masculins, les femmes féminines. Les individus dont les caractéristiques de genre sont opposées au sexe biologique sont dits cross-typés (néologisme français pour cross-typed), i.e. les hommes féminins et les femmes masculines.