II. Contexte de l’étude

Le monde de l’enseignement n’est pas un domaine neutre. Les valeurs renfermées implicitement dans les savoirs scolaires permettent de renvoyer de l’intérieur des contenus, la philosophie de l’éducation sous-jacente. Derrière l’enseignement chaque enseignant construit un monde, une référence irréversible qui pèse sur les apprentissages sociaux et culturels que les enfants vont appréhender.

Pour chaque enseignant ce monde est différent et possède des valeurs distinctes. Pour chacun d’eux, ce qui vaut la peine d’être sélectionné n’est pas semblable à ce qu’un autre choisit. Pour Olivier Reboul 369 , ce qui vaut la peine d’être appris c’est « ce qui unit et ce qui libère ». Un enseignement qui unit, vise à intégrer chaque individu d’une façon durable à une communauté la plus large possible. Nous retrouvons dans ces termes des valeurs féminines de durabilité et d’intégration de l’individu dans la société. Un enseignement qui libère renvoie à « ce qui est transférable, et ce qui fait agir ». Nous retrouvons dans le thème de la construction transférable et de l’action, des valeurs masculines. Ce qui « unit et ce qui libère » peut par extension être interprété au regard de valeurs féminines et masculines. Chaque genre devrait donc s’y retrouver.

Pour notre discipline d’Education Physique et Sportive, ce qui vaut d’être appris découle de la culture sportive. Les savoirs à enseigner renvoient à des valeurs culturelles. La référence culturelle de l’EPS repose essentiellement sur la culture sportive qui renvoie majoritairement à des valeurs du monde masculin.

Le travail de l’enseignant le conduit à faire des choix, notamment didactiques, à partir d’un savoir à enseigner afin de stabiliser et de proposer un savoir enseigné. Le savoir à enseigner se fonde sur les Instructions Officielles et autres accompagnements des programmes. Avant de devenir un savoir enseigné, l’enseignant effectue :

‘« Un travail de didactisation qui s’inspire des manuels existants, des pratiques des collègues, des recommandations des corps d’inspection, des compétences supposées des élèves, du matériel à disposition, de ses convictions… » (Develay, 1999) 370 .

Finalement le savoir enseigné est le résultat d’un « bricolage » qui prend en compte un ensemble de paramètres hétérogènes parmi lesquels sont inclues les valeurs personnelles qui fondent le genre de l’enseignant.

Dans notre discipline, les pratiques sociales de référence font appel aux activités physiques sportives ou artistiques. C’est l’institution qui sélectionne les savoirs à enseigner retenus dans le cadre de chaque discipline. Puis l’enseignant élabore ses propres choix afin de déterminer quels savoirs seront enseignés c’est-à-dire quelles mises en œuvre réelles et concrètes seront proposées pour la leçon d’EPS.

C’est à ce moment qu’intervient un « ensemble de paramètres hétérogènes parmi lesquels sont inclues les valeurs personnelles de genre ».

C’est précisément à cet ensemble de paramètres que cette étude porte son intérêt au travers de la question du genre. D’où l’observation de ce qui est réellement enseigné : les « savoirs enseignés » comme « […] les choix de contenus recèlent des valeurs culturelles distinctes » (Develay, 1999) 371 .

C’est avec les contenus d’enseignement que se transmettent souvent de manière incontrôlée et non voulue « les valeurs, les modes de sociabilité, les apprentissages sociaux » (Mosconi, Loudet-Verdier, 1997) 372 dont on ressent les effets dans les comportements.

Quelles valeurs féminines/masculines sont retenues dans les contenus d’enseignement et dans la gestion pédagogique de la classe par les enseignants de chaque groupe de genre ?

Notre questionnement suppose au préalable que ces valeurs sont différentes suivant le genre des enseignants. L’observation des contenus proposés aux élèves, des interactions de l’enseignant, de l’habillage de l’enseignement proposé sont considérés comme des révélateurs potentiels des valeurs de l’enseignant suivant son genre.

‘« Expliquer ne veut pas dire chercher la fonction ou la cause, mais plutôt élucider par quels processus ces inégalités sont produites, par le jeu de quelles logiques, dans quels contextes » (Duru-bellat, Henriot-van Zanten, 1992) 373 .’
Notes
369.

Reboul, O. (1980). Qu’est-ce qu’apprendre ? Paris : PUF. (pp.107-109) (cité par M. Develay).

370.

Develay, M. (1999). De l’apprentissage à l’enseignement. Paris : ESF (p.26).

371.

Idem (p.27).

372.

Mosconi, N. et Loudet-Verdier, J. (1997). Déjà cité. (p.128).

373.

Duru-bellat, M. et Henriot-van Zanten, A. (1992). Sociologie de l’école. Paris : Armand Colin.