Chapitre 1. Nature des APSA. gymnastique, badminton, handball

Avant d’envisager les résultats des observations issues des séances d’EPS filmées sur le terrain, il paraît essentiel de s’intéresser aux fondements de chaque activité, par une démarche épistémologique visant à questionner et à replacer chacune de ces APSA dans son contexte.

Les activités physiques et sportives peuvent être classées selon leur connotation sexuée à partir de différentes méthodes dont la plus courante est celle de la majorité de licenciés du même sexe. Par ce procédé, une activité sera dite féminine si les femmes représentent la majorité des licenciés affiliés à la fédération. Une autre méthode consiste à observer le type d’objet ou les habilités requises par la pratique : la manipulation aérienne d’un ruban associée au caractère esthétique de la production et aux critères de souplesse exprimés par le code fait de la Gymnastique Rythmique une discipline féminine.

Nous ne remettons pas en question ces méthodes qui ont été validées, mais nous souhaitons, pour notre part, nous questionner sur la connotation sexuée de l’activité à partir de sa construction et des stéréotypes qui peuvent la traverser. En effet, on peut supposer que l'examen approfondi de chacune des APSA de notre étude, va permettre d’accéder à des signes de féminité et/ou de masculinité devant être pris en compte. Il ne s’agit pas de faire une étude visant à classer les APSA selon leur connotation, mais d'atteindre des éléments jusqu’alors ignorés et qui peuvent avoir des conséquences non négligeables quant à l’enseignement et à la transmission des contenus en EPS.

La méthode utilisée consiste à visiter la construction historique de l’activité, à interroger les pratiques de haut niveau et les pratiques scolaires au regard des stéréotypes de sexe. La nécessité de cette démarche épistémologique est à relier aux savoirs proposés par l’enseignant. Pour M. Develay 379 , un élève accrochera différemment aux disciplines scolaires d’après la nature des savoirs qu’elles proposent. Si l’on poursuit ce raisonnement dans le cadre de l’EPS, chaque élève pourra accrocher différemment à une même activité, suivant la nature du contenu proposé par l’enseignant.

Deux axes d’analyse vont nous aider dans la recherche d’une réponse :

  • la construction historique de l’activité
  • les fondements de la nature de l’activité qui transparaissent à travers la comparaison du haut niveau féminin et masculin et l’analyse de contenu pointant les stéréotypes sous-jacents dans les discours de la littérature professionnelle de l’EPS.

L’analyse de contenu permet de mettre en évidence les stéréotypes sous-jacents à chacune des activités et ainsi de caractériser cette dernière selon des critères sexués. On ne peut que constater l’impact des stéréotypes sur toutes les activités sociales, servant de « raccourci » prêt « à servir » associé à une cible permettant ainsi d’éviter de raisonner de manière plus complexe, plus coûteuse en attention (Yabar et Philippot (2000) 380  ; Oberlé, Gosling, 2003) 381 . Les stéréotypes reliés au genre sont dotés d’un crédit de valeur sociale plus ou moins important selon la population qui les produit. Dans notre société, nous avons vu que les stéréotypes masculins sont associés à une plus grande valeur que les stéréotypes féminins. Le contenu des stéréotypes sexués est familier car il est largement partagé par les membres de la société qui le produit (Masson-Maret et Beauvois, 2000 382 ). Certes, « les stéréotypes de sexe expriment et confortent la conception qui prévaut, dans une culture donnée , de la masculinité et des la féminité, c’est-à-dire du genre » (Hurtig et Pichevin, 1997) 383 . Il convient de bien prendre en compte le fait que ces stéréotypes « collent » à la réalité et de ce fait révèlent l’assignation des places sociales de chacun des sexes ou de leurs attributs sociaux. Leur danger n’en demeure pas moins qu’ils figent les différences liées aux rôles sociaux sans tenir compte des variations interindividuelles mais ils permettent de rendre compte de la tendance centrale du groupe qui les exprime. C’est pourquoi nous nous sommes appuyé sur les stéréotypes émanant de la littérature professionnelle pour établir la connotation sexuée de chacune des activités auxquelles nous avons été confronté pour cette étude : le badminton, le handball et la gymnastique.

Notes
379.

Develay, M. (2001). Déjà cité. (p.102).

380.

Yabar, Y. et Philippot, P. (2000). Caractéristiques psychosociales et réactions émotionnelles dans l’application des stéréotypes : prédicteurs, médiateurs et modérateurs. Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 47, 73-94

381.

Oberlé, D. et Gosling, P. (2003). Stéréotype, jugement de responsabilité et sanctions : effet du groupe et d’une consigne d’exactitude. Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 57, 74-82

382.

Masson-Maret, H. et Beauvois, J.-L. (2000). Déjà cité.

383.

M.-C. Hurtig et M.-F. Pichevin. (1997). Avant-propos. Sexe et pouvoir. Sex, Gender and Power. Revue Internationale de Psychologie Sociale, 2. (p.8).