I.3.2. Nature de l’activité gymnastique

‘« En gymnastique on ne joue pas, on travaille. »’

Cette phrase lapidaire de P. Goirand place d’emblée l’activité gymnastique sur ses bases culturelles.

Toute compétence gymnique s’obtient au prix d’un dur labeur. En gymnastique il faut travailler dur, c’est le prix à payer pour la réussite d’un geste acquis par la confrontation à une motricité inhabituelle, distinguant le gymnaste compétent du monde ordinaire des bipèdes terriens. Cette distinction s’acquière au prix d’une souffrance intériorisée, d’une obstination, d’un endurcissement, d’une obéissance à l’entraîneur, l’éducateur, d’une soumission aux exigences. Ces valeurs sont issues de la culture ouvrière pour laquelle la compétence technique représentait une véritable force, un savoir manuel recherché et distinctif.

‘« Des études ont été faites sur la gymnastique à Monceau les Mines (…) les sanctuaires gymniques étaient des sanctuaires ouvriers et il y a la même culture du travail, de l’application, du travail bien fait de la technique ouvrière, (…) parce que ces ouvriers manuels basaient leur compétence sur leur technique propre. » (Goirand, 2004).

Le travail est une valeur primordiale dans cette activité, il s’exprime particulièrement à travers l’enchaînement. « La notion d’enchaînement c’est le mot clé de la gymnastique masculine et féminine. » (Roigpons).L’enchaînement met en œuvre d’autres compétences que la réalisation même de l’élément. Il représente un coût élevé car il faut gérer les aspects affectifs, psychologiques et l’automatisation. L’enchaînement prime sur le niveau de difficulté car il faut pouvoir enchaîner une figure très difficile et coûteuse émotionnellement avec d’autres figures sur une durée assez importante. Mais le plus difficile dans la préparation d’un enchaînement c’est le passage d’un élément à l’autre, les liaisons sont donc fondamentales.

L’utilisation de mini-enchaînements comme fondement de l’activité gymnique est confirmée même chez les jeunes gymnastes. La liaison entre les éléments gymniques y est soulignée comme étant « ce qui donne son intérêt aux mini-enchaînements » (ADIREPS, 1973) 404 . Elle permet d’assurer le rythme et la continuité entre les éléments techniques pour lesquels on s’assure de l’acquisition effective en les plaçant dans un ensemble.

La gymnastique n’est pas une activité univoque, elle est contradictoire et plurielle ainsi que le souligne P. Goirand 405 , puisque dans le même temps le (la) gymnaste doit prendre des risques tout en les maîtrisant, accepter la peur tout en prenant du plaisir, construire un code, hiérarchiser, complexifier. La gymnastique fondée par le ROV (Risque, Originalité, Virtuosité) est une activité qui sollicite la sensibilité « car le code définit le juste techniquement et le beau dans une relation dialectique technique/esthétique ». La codification des éléments techniques produirait une catégorisation selon des critères de masculin et de féminin.

Par quel biais un élément masculin deviendrait-il féminin, comme cela peut se produire actuellement, notamment aux barres avec un transfert d’un nombre important d’éléments du code masculin en barre fixe qui figurent ensuite dans le code féminin des barres asymétriques ?

Notes
404.

A.D.I.R.E.P.S (1973). Gymnastique sportive : mini-enchaînements Documents stages ENSEPS, (juin 1973), Chatanay-Malabry.

405.

Goirand, P. (1998). EPS au collège et gymnastique.Paris : INRP.