II.3.1. Les stéréotypes féminins/masculins en acrogym scolaire

Présente dans les pages de la Revue EP.S depuis 1987 l’acrogym conserve les éléments gymniques constituant la base de l’activité gymnastique au sol.

Elle se pratique collectivement sous la forme d’un enchaînement, son orientation est davantage tournée vers le spectacle collectif alors que les caractéristiques de la gymnastique en font une activité individuelle répondant à une codification rigoureuse. Pierre Blois 424 définit l’acrosport (ainsi nommée dans le cadre fédéral) comme une activité à dimension artistique importante.

« C’est en fait de l’acrobatie avec partenaire, où les athlètes réalisent des porters collectifs, des lancers avec ou sans rattrapé des partenaires des attitudes, des sauts acrobatiques, des éléments de souplesse. L’enchaînement où l’aspect chorégraphique est important est réalisé en musique. » (Blois, 1987).

Dans le cadre sportif, l’évaluation prend en compte les critères des difficultés réalisées collectivement et individuellement, ainsi que la composition de l’enchaînement, l’impression générale et l’exécution. Moins de deux ans plus tard, c’est dans le cadre scolaire que cette activité est présentée dans un article de la Revue EP.S par Ghislain Carlier 425 comme une possible substitution à l’activité de gymnastique sportive traditionnellement enseignée. Les apprentissages sont orientés vers un spectacle collectif dont « la préparation privilégie la recherche, la capacité d’invention et la créativité des membres du groupe ». Ainsi qu’il est énoncé plus haut, c’est bien l’objectif de spectacle qui est recherché ici, par une production de groupe qui doit respecter les consignes suivantes : une entrée organisée, capter l’attention des spectateurs grâce à un temps fort, respecter la loi de l’unité spatiale en proposant un seul événement à la fois à un endroit précis et une sortie.

Si l’activité de base s’appuie sur des éléments gymniques, l’objectif est bien différencié de celui de l’enchaînement gymnique requérant technicité et perfection dans l’exécution individuelle évaluée à l’aune d’un code imposant la rigueur. Pour l’acrogym c’est l’aspect collectif, l’émotion par le spectaculaire, la créativité, qui fondent une activité plus ludique résolument tournée vers le travail collectif. Des conséquences en résultent : l’acceptation de l’autre dans les contacts, l’entraide active, l’observation, l’entente réciproque des participants et la coordination des actions motrices (Huot, 1992) 426 . Rien n’empêche les groupes de se former en mixité, cependant la nécessité d’une confiance réciproque entre porteur et voltigeur et d’un respect mutuel induisent la formation de groupes par affinité. Les rôles des membres du groupe doivent être précis et donnés à l’avance : « Différenciation des rôles et des tâches », le plus souvent suivant la morphologie de chacun ; la sécurité est l’affaire de tous « chacun est garant de la sécurité de l’autre ».

L’objectif recherché n’est plus le travail, la répétition, la rigueur, l’acrobatie, l’esthétique, la perfection, mais bien la « créativité à travers les nouvelles figures et éléments de liaison, l’émotion, l’autonomie, la responsabilité, la gestion de l’espace et du temps, l’esthétisme » (Huot). Ainsi l’acrogym glisse des fondements de l’activité gymnique technique vers davantage d’expression : « les exigences sont moins importantes, on recherche l’expression, l’émotion, le spectacle » 427 . Si l’activité est univoque et la pratique mixte possible, les filles et les garçons s’y retrouvent-ils à l’identique ? « L’acrogym marche bien à l’école parce que les garçons s’y retrouvent mieux, ils sont plus en réussite, ils sont sur la mise en scène alors que les filles sont plus sur l’esthétique ». Nous retrouvons la même différenciation en gymnastique sportive, les garçons misent sur le spectaculaire et la prise de risque, les filles sur l’esthétique.

Les stéréotypes féminins qui émergent de l’analyse de contenu concernent la nature donnée à l’activité par les enseignants qui est présentée comme artistique, collective, permettant la coopération, produisant des émotions, c’est une activité de nature esthétique dans laquelle se met en place une chorégraphie mais qui doit respecter des consignes de sécurité. Les éléments d’apprentissage sont produits par : des éléments d’attitude, des éléments individuels identiques pour tout le groupe, une prise en compte de la souplesse, la présentation d’un enchaînement effectué en musique. Les apprentissages respectent une progressivité dans les difficultés et nécessitent de nombreuses répétitions. L’organisation des apprentissages s’effectue en favorisant la communication tactile, la communication verbale, en permettant que se crée une confiance mutuelle au sein de groupes réalisés par affinité, en utilisant des médias écrits : poster, fiche...

Quant aux stéréotypes masculins ils sont centrés sur : l’acrobatie, la compétition, le défi, la classification et la hiérarchisation des éléments de difficulté. La prestation des élèves est publique et relève du spectaculaire. Les techniques reposent sur : des lancers dynamiques et des sauts acrobatiques. L’organisation permettant les apprentissages favorise : l’autonomie, le jugement, la mise en projet par des activités de recherche ou des situations problèmes, la responsabilité.

Au cours de l’analyse des articles sur l’acrogym nous avons répertorié les stéréotypes féminins/masculins soit dans les caractéristiques propres à l’activité, soit par les orientations d’apprentissage transmises par les enseignants. Il est possible d’observer le nombre plus important des stéréotypes féminins, cependant le nombre de stéréotypes masculins persiste. Nous concluons à un glissement des stéréotypes véhiculés par le versant féminin de la gymnastique sportive sur l’activité acrogym, conformément au statut féminin des activités gymniques.

Notes
424.

Blois, P. (1987). Championnats du monde France 1986. Revue EP.S, 207. Pierre Blois était Directeur Technique National de la FFTSA cette année là.

425.

Carlier, G. (1989). Pour une réhabilitation de la gymnastique, vers une transformation des pratiques. Revue EP.S, 216.

426.

Huot, C. (1992). L’acrogym une autre façon d’aborder la gymnastique en lycée professionnel. Revue EP.S, 236.

427.

(2003). Une montée en puissance : la Gymnaestrada Mondiale 2003. Revue Le gymnaste magazine, 253.