III. Discussion à propos de la nature et des stéréotypes des APSA proposées

Ce chapitre consacré à la nature des trois APSA choisies comme support de l’étude, permet de remettre en question les connotations sexuées qui leur sont attachées par d’autres méthodes. Il n’est donc pas vain de passer au crible du genre des connaissances certifiées par l’usage et l’habitude.

L’exploration des constructions historiques et des fondements épistémologiques permettent d’accéder aux valeurs internes à la logique de l’activité, à son sens originel. L’analyse des pratiques et des discours du haut niveau et du niveau scolaire illustrent cette analyse tout en lui apportant le poids des représentations fédérales ou éducatives. L’analyse approfondie des trois APSA explorées remet en question les connotations attribuées par les méthodes antérieures à partir de l’observation du nombre de licencié(e)s dans les fédérations.

• Historiquement masculine, l’activité gymnastique est actuellement plébiscitée par les filles comme activité esthétique. Pourtant, elle montre par son évolution, par les transformations du haut niveau, par les stéréotypes présents dans les discours que les critères féminins ne sont pas prédominants. A l’intérieur même de l’activité, par les modalités d’entraînement ou les exigences du code de pointage, les différences entre filles et garçons sont majeures. La fille n’est envisagée qu’à l’intérieur du groupe dans lequel elle doit se fondre en se soumettant aux exigences de l’entraîneur. Le garçon parce qu’il a davantage de maturité et qu’on lui reconnaît une meilleure capacité de réflexion, est considéré comme une individualité et entretient avec l’entraîneur un véritable dialogue. Les agrès féminins développent des exigences techniques issues du masculin (risque, mouvement aérien), les aspects chorégraphiques et esthétiques sont réduits. Les stéréotypes véhiculés par les discours des enseignants sont essentiellement masculins. A l’issue de notre étude, il convient finalement de remettre en question la connotation féminine de l’activité gymnastique.
• L’activité badminton, plus récente, est moins connotée sexuellement. On la dit appropriée aux deux sexes. Si le nombre de licenciés est équilibré entre individus de sexe féminin et masculin, dès qu’il s’agit de compétition, les masculins sont beaucoup plus nombreux. Les fondements de l’activité reposent sur la rapidité de la prise d’information et de décision qui font partie des stéréotypes masculins. Les différences de jeu entre les masculins (garçons et hommes) et les féminines (filles et femmes) sont décrites dans leurs caractéristiques. Si le badminton est considéré comme « neutre » c’est peut-être parce que chaque sexe jouant séparément, tout conflit ou toute comparaison du jeu sur le terrain s’en trouve supprimé. Lorsque l’on évince le problème, celui-ci ne se pose évidemment pas. Cela devient tout à fait différent dans le cadre du jeu en double mixte. Dans les conditions de mixité, les stéréotypes de sexe et les rapports de domination et de soumission retrouvent leur prépondérance. En conclusion le badminton ne peut pas être considéré comme une activité neutre ainsi que les représentations l'énoncent.
• Le handball est présenté comme une activité masculine, de « combat » pour la domination de l’adversaire, préparant les jeunes à la « dure réalité de la vie ». Les jeux, féminin et masculin, sont considérés comme des objets indépendants. Le jeu féminin n’est pas calqué sur le jeu masculin, il a développé ses propres caractéristiques en utilisant les atouts de la motricité féminine : ce ne sont pas celles du jeu masculin. Les équipes étant soit féminines, soit masculines, les interrelations issues d’un jeu commun sont évacuées. Par contre, ce problème se pose avec acuité dans le milieu scolaire. Comment faire jouer ensemble les filles qui se font des passes et n’osent pas tirer avec les garçons qui dribblent seuls pour aller marquer au plus vite ? Il convient d’admettre que le handball possède de nombreuses caractéristiques et stéréotypes masculins, mais que ceux-ci ne sont pas aussi dominants que le laissent à penser les représentations traditionnelles. Cette activité est traversée par des caractéristiques féminines sur lesquelles entraîneurs et enseignants s’appuient.

A travers cette analyse de la construction socio-historique et de la nature des APSA, nous avons souhaité approfondir les éléments constitutifs de chaque activité permettant sa connotation selon des critères sexués. La méthode utilisée repose sur le repérage des stéréotypes masculins et féminins dans chaque APSA selon deux axes. Le premier est celui de l’analyse du haut niveau grâce à des entretiens avec des experts, le second celui du milieu scolaire grâce à l’exploration de la Revue EP.S.

Cette exploration n’a pas été vaine puisqu’elle a permis de remettre en question la connotation de chacune des trois APSA sélectionnées, apportant des nuances et des discordances par rapport aux méthodes utilisées antérieurement. Dotée de ces résultats, nous poursuivons notre étude en mettant en rapport l’analyse de la nature des activités et celle des contenus des séances d’EPS par l’intermédiaire des stéréotypes extraits précédemment.