Introduction générale

Les recherches sur la construction des connaissances dans l’interaction sociale, le dialogue coopératif en situation de travail et d’apprentissage, les formes de médiation et d’étayage d’un tuteur ou d’un enseignant se sont développées dans divers champs (psychologie des apprentissages, linguistique et psycholinguistique, ethnométhodologie). Elles se sont imposées progressivement dans les didactiques des disciplines, où beaucoup de travaux sur l’apprentissage prennent en compte la dimension discursive et interactionnelle des acquisitions, la description précise des contextes et des procédures à travers l’analyse des protocoles verbaux recueillis en situation écologique : les travaux en didactique des mathématiques ont été à cet égard pionniers. Les pratiques réelles de ces perspectives en classe ne sont pas davantage étudiées, ainsi que l’articulation entre le verbal et d’autres systèmes sémiotiques.

Une des finalités de l’enseignement de la physique (et la chimie) au lycée est d’expliquer le lien entre certains phénomènes vécus dans la vie quotidienne et les phénomènes observés en classe de physique. Ceci rend le rôle de l’enseignant de plus en plus difficile pour le choix de la manière dont il va présenter un savoir enseigné proche de la réalité. Le sujet apprenant à son tour fait face à plusieurs situations de construction de compréhension où il doit faire appel chaque fois à son modèle propre convenable à la situation physique rencontrée. Ceci explique l’une des préoccupations de la didactique des sciences physiques qui consiste à étudier les rapports que les apprenants entretiennent avec les savoirs lors d'un enseignement donné dans l'objectif de déterminer les conditions et la nature des apprentissages en jeu. En d'autres termes, l'une des vocations de la recherche en didactique est d'élaborer des outils pour favoriser l'apprentissage des savoirs en jeu dans un enseignement donné en classe.

Dans notre recherche, l’objectif est d’analyser la nature des liens entre le discours de l’enseignant et l’évolution de la compréhension conceptuelle chez les élèves en classe. Ce lien peut être envisagé sous bien des aspects ; nous privilégierons ceux qui font référence aux processus de modélisation et aux registres sémiotiques que les enseignants et les élèves mettent en œuvre en classe de physique, qui est un thème structurant depuis de nombreuses années l’activité de l’équipe COAST.

La perspective de notre recherche se situe dans le droit fil de notre travail de DEA. Dans notre mémoire de DEA nous avons essayé de catégoriser les modes d’intervention de l’enseignant. Nous avons aussi déterminé les activités des élèves pendant des séances de travaux pratiques informatisés en adoptant la méthodologie suivie habituellement dans le laboratoire GRIC (équipe COAST) de l’Université Lyon 2 au sein duquel nous avons effectué notre stage. Notre domaine phénoménologique d’étude est l’optique géométrique. Nous pourrons ainsi réinvestir dans notre thèse les connaissances acquises notamment sur les compréhensions des élèves dans le champ conceptuel de la formation des images.

Nous nous proposons d’étudier les interactions enseignant-élèves et élève-élève. Dans la plupart des travaux de didactique des sciences physiques l’accent a été mis tantôt sur les modes d’intervention de l’enseignant dans sa classe, tantôt sur l’élève (conceptions, activités, résolution de problème) mais non sur l’interaction entre ces deux pôles. Or il s’agit à l’évidence d’une question clef, car les pratiques d’enseignement ne peuvent se concevoir qu’en relation avec l’effet qu’elles ont sur l’apprentissage réalisé par les élèves.

L’opportunité nous a été offerte par ailleurs d’inscrire ce travail dans le cadre d’un projet de recherche soutenu par l’INRP, le projet “ Conception et analyse d’activités pour la formation scientifique ” (responsables Andrée Tiberghien et Jacques Toussaint). L’objectif de ce projet était de construire des outils utilisables en classe par des enseignants. Il regroupait trois équipes de Lyon, Paris, Grenoble. Dans chaque équipe étaient associés des chercheurs en didactique des sciences et des enseignants en service dans différents lycées, qui ont collaboré pour la construction de séquences d’enseignement et l’élaboration des outils en question. Les enseignants qui participaient à ce projet, avaient l’habitude d’accorder une grande importance aux processus de modélisation ; ils avaient acquis un certain langage de modélisation au moment de la réalisation de ces séquences en classe réelle.

Cette première problématique définit le plan que nous allons suivre. Dans un premier temps (chapitres 1 à 5) nous allons définir le cadre théorique dans lequel nous allons nous placer, et préciser ce que nous retenons des travaux antérieurs dans cinq domaines qui sont énumérés ci-dessous :

Cette première partie permettra de formuler de façon plus précise nos questions de recherche (chapitre 6), puis les méthodes de recueil d’analyse des données que nous utiliserons (chapitre 7).

Dans une deuxième partie nous présenterons les résultats et l’analyse de notre travail (chapitre 8), puis les conclusions que nous en tirons sur les processus de modélisation à l’œuvre chez les élèves observés et sur l’apprentissage réalisé.