I. Quels sont les aspects historiques du développement de l'optique géométrique, et en particulier du concept "image" ?

Nous mettons notre domaine d'étude, l’optique géométrique, dans son contexte d'évolution au cours du temps. L'histoire de l'optique commence avec les Grecs : le mot optique vient du grec "opticos" c'est-à-dire relatif à l'œil humain. Depuis l'Antiquité, avec Euclide, le concept de rayon lumineux et la propagation rectiligne étaient présents, mais le problème était dans son interprétation qui prend l'œil comme source d'émission de la lumière ; une de ses définitions (ou axiome) est :

‘« Supposant que les lignes droites qui émanent de l'œil se propagent à divergence des grandes grandeurs. » (Ver Eecke, 1959, p 1)’

Ces estimations étaient relevées d'une explication philosophique basée généralement sur des faits de la vie quotidienne ce qui conduisait à produire des modèles faux et à rendre impossible l'interprétation de certains phénomènes (les déformations de la perspective, la réflexion, la réfraction des rayons visuels …).

C'est Ibn Al Haytham (965-1039) qui a expliqué la vision comme la réception par l'œil des rayons lumineux. Ibn Al Haytham, en élaborant son "Traité d'optique", a donné à l'optique un nouvel aspect mathématique à la fois démonstratif et expérimental (Simon, p.983). Il défendait l'idée que l'image se forme sur le cristallin ce qui ne lui avait pas donné la possibilité d'expliquer le processus de la vision1 :

‘«  Si l'organe sensoriel est le cristallin, nous devrions sentir les objets en nous, à l'intérieur de l'œil. Or il n'en est rien. La vision ne réduit donc pas à la sensation pure… Nous concluons que l'objet est hors de nous parce que, quand nous fermons les yeux, nous cessons de le voir » (Simon, 1999, p.984)’

Après plusieurs travaux qui ont suivi ceux d’Ibn Al Haytham et qui se sont intéressés aux différents domaines de l'optique, Kepler publiait en 1604 son livre "Les Paralipomènes à Vitellion". Dans ce livre, il avait distingué l'image vue directement et l'image projetée sur l'écran, et leur a donné des noms différents :

‘« Dans cet ouvrage, Képler assimile définitivement l'œil à un dispositif optique conduisant à la formation d'une image réelle sur la rétine. » (Huygens, 1992, p. 17) ’

Sa procédure avait donné une nouvelle organisation aux concepts fondamentaux de l'optique géométrique tels que : lumière - image - vision, car ces concepts, surtout les deux derniers, étaient fortement liés même au niveau lexical. L'origine du concept "image" était latin "imago" renvoie à la notion d'imitation (racine im-) et par elle de ressemblance (portrait, ombre d'un mort, reproduction ou représentation d'une chose ou d'une personne). La théorie de Kepler n'a pas pu expliquer l'aspect physique de la lumière.

En 1621, Snell a établi les lois de la réfraction et suite à ses travaux Descartes a publié ses lois qui seront plus tard la base de l'optique géométrique.

Les travaux des deux derniers physiciens ont permis à Fermat d’énoncer son principe (en 1657) concernant le déplacement de la lumière.

À partir du moment où on se pose la question de la nature de la lumière soit au XVIIème siècle, on peut parler d’optique physique (Ronchi, 1956, p. 106).

Deux théories opposées se sont développées : la théorie ondulatoire et la théorie corpusculaire. La première était développée par Huygens suite aux travaux d’Hooke en 1665. Elle a pour idée principale :

‘« La lumière n’est donc qu’un mouvement ou, plus exactement une tendance au mouvement. » (Huygens, 1992, p. 20)’

Cette dernière idée, était complétée dans un premier temps, par Young pour expliquer les interférences. Puis, pour un deuxième temps, elle était complétée par Fresnel et Arago (1818) pour montrer que la lumière ne pouvait pas être une vibration longitudinale comme le son, mais qu'elle était transversale de vitesse de propagation c~ 3*108 m/s (Ronchi, 1956, p.199).

La deuxième était développée par Newton en 1690. Il considère que la lumière est formée d'un flot de corpuscules lancés à grande vitesse à partir de l'objet lumineux dans un milieu "éther" et qui vient frapper l'œil (Ronchi, 1956, p. 160).

La controverse sur la nature de la lumière s’est éteinte avec les travaux de Maxwell (1876) qui interprétaient la lumière comme une onde électromagnétique.

Louis de Broglie (1924), quant à lui, a dépassé la controverse entre les deux natures d’une autre façon en établissant une correspondance entre une onde et un corpuscule. Néanmoins, cette conciliation n'a pas résolu plusieurs problèmes comme les échanges entre les rayonnements et la matière. Ces problèmes n'ont été résolus que dans la seconde moitié du XXième siècle avec Tomonog, Schwinger et Feynman.

La conclusion de ce tour d’horizon historique pourrait être que :

‘« Ce modèle très simple [celui de l'optique géométrique] s'est historiquement développé le premier, mais, il est peu performant et n'épuise pas, tant s'en faut, la description des complexités des phénomènes liés à la lumière. » (Léna et Bianchard, 1990, p 22)’

On trouvera dans le tableau ci-dessous une récapitulation de l’histoire de l’optique :

Tableau 1 récapitulatif de l'histoire de l'optique :
300 avant J-C Euclide Les Éléments, Optiques et Catoptrique
XI ème siècle Ibn Al Haytham Optique géométrique expérimentale
1604 Kepler Livre :Paralipomènes à Vitellion
1621 W Snell Les lois de réfraction
1637 R Descartes Lois de l'optique géométrique
1657 Fermat Principe de Fermat
1665 Huygens Théorie Ondulatoire : Traité de la lumière
1704 Newton Théorie Corpusculaire : Optique
XIX ième siècle Young Explication des interférences
1818 Fresnel, Arago et Fizeau Détermination de la vitesse de propagation de la lumière
1876 J C Maxwell La lumière est une onde électromagnétique
1924 L de Broglie Dualité Onde Corpuscule
XX ième siècle Tomonog, Schwinger et Feynman Électrodynamique quantique

Notes
1.

Ce qui sera expliqué plus tard par le renversement de l'image au niveau du cristallin et sa réception sur la rétine.