b. Evolution du flux du discours pour les deux élèves étudiés

La détermination du flux de discours consiste à voir l’écoulement du lexique (la progression des mots utilisés au cours de la séquence) utilisé au moment de la verbalisation de l’enseignant ou des élèves au cours de chaque étape et à l’intérieur d’une même étape. L’idée est de faire une analyse sémantique du discours c’est-à-dire voir les mots et leurs significations dans un contexte donné. Nous nous intéressons au changement de statut du lexique selon les différents niveaux de savoir (monde le la théorie / modèle et monde des objets / événements) et le lien entre ces niveaux, et selon son appartenance au quotidien et/ ou scientifique. L’objectif de l’étude sémantique est de voir l’évolution du flux de discours pour les différentes organisations de la classe (enseignant / groupe classe ; enseignant / élèves ; élève / élèves), et de déterminer la construction de la compréhension par les élèves. Autrement dit quelles significations les élèves donnent-ils aux mots scientifiques introduits par l’enseignant au moment de l’interaction et les différentes reprises par les élèves. Nous donnons dans ce qui suit quelques champs sémantiques au cours de notre séquence d’enseignement :

  • Lumière  : la lumière se propage, projette la lumière, source de lumière, vous voyez la lumière, la lumière véhicule de l’énergie, très lumineux, le faisceau de lumière, on voit la lumière passée de gauche à droite, le sens de propagation, vous voyez directement la lumière, la lumière se propage rectilignement, force de lumière, la lumière d’un seul côté, la lumière dans toutes les directions, une lueur qui se balade, la lumière qui dépasse, moins lumineux (changement de statu des mots selon les situations, différents champs de signification des mots).
  • Vision  : votre œil,vous voyez la lumière, on voit la lampe, vos yeux, vous voyez directement, on visualise, on observe.
  • Source  : source, laser, lampe particulière, une lampe du plafond, source de lumière, laser source, on voit la lampe, la lampe éclaire, la diode, soleil, la lanterne
  • Image  : image, image en entier, image nette, le F.
  • Objet  : objet AB, le F…

Nous présentons l’évolution du flux du discours pour les mots du modèle introduit au début et au cours de la séquence d’enseignement. Au cours de la séquence d’enseignement coexistent deux types de langages « langage quotidien » et « langage scientifique ». Pour le deuxième type du langage nous nous limiterons aux mots du modèle. Au cours de la réalisation de la séquence d’enseignement les deux élèves ont acquis (comme nous l’avons présenté au cours du paragraphe I « utilisation par les deux élèves ») de plus en plus un langage scientifique lié à l’optique géométrique qui ne vient pas pour remplacer le langage quotidien mais pour le compléter. L’introduction d’un texte du modèle a facilité l’intégration des mots du modèle dans le comportement langagier des élèves tels que des mots spécifiques « lumière », « vision », « image », « objet », « tache »…

Pour montrer l’évolution du flux du discours nous prenons l’exemple d’Alexandre qui s’est approprié les mots du modèle de l’alinéa 4 « propagation rectiligne de la lumière » ; cet élève utilise cet alinéa en expliquant plusieurs situations à la suite de la demande de l’enseignant ou en interagissant avec Mathieu. Alexandre fait le lien de l’expérience 1 de la tâche 1 avec les alinéas du modèle en utilisant la propagation rectiligne (1/260). Il explicite le résultat de l’expérience lentille cachée de la tâche 6 à l’observateur en utilisant « la lumière se propage en ligne droite » (6/201). Il fait référence à la propagation rectiligne de la lumière pour expliquer la formation de l’image à travers le miroir (13/84). Le recours à l’alinéa 4 du modèle par Alexandre montre qu’il y a eu une appropriation du langage du modèle.

Un autre aspect du développement du flux du discours est le changement des mots utilisés pendant l’interaction entre les deux élèves et entre l’un des deux élèves et l’enseignant. Au cours de l’épisode 1.1.5 (1/105-242), au moment de la réalisation de l’expérience « Observation d’une source de lumière (considérée ponctuelle) », Mathieu regarde à travers les trous de la boîte et avance l’idée (1/89) que la diode « n’est pas assez forte » (1/113), Alexandre utilise le mot « n’est pas puissante » (1/114) et essaye de modifier l’intensité de la diode (1/131). Il s’adresse à Mathieu en reprenant ces mots « [si] elle était plus forte on verrait » (1/149), puis change de langage quotidien en langage scientifique en s’adressant à l’enseignant « normalement si la lampe était plus lumineuse on voit » (1/151). L’enseignant donne alors une évaluation positive et favorise la compréhension du concept « luminosité » (1/160). Il dialogue avec les deux élèves pour expliciter les connaissances qu’ils ont construites au cours de la situation. Il demande à Alexandre si l’écran troué est « très lumineux » (1/160), Alexandre répond qu’il verra la lampe et qu’il y aura beaucoup de dispersion (1/161). L’enseignant demande aux deux élèves ce qui se passerait si l’écran était peint en noir (1/164), Alexandre répond qu’il verra la lampe (1/165). L’enseignant termine l’échange par une évaluation positive afin de stabiliser ces connaissances construites (1/167).