2.3. Les enseignants « interactifs » experts : des connaissances très contextualisées et un comportement plus libre

L’enseignant expert se distinguerait par les comportements suivants :

Les experts ont un comportement plus souple et ils semblent avoir développé la capacité de donner un sens à une situation pédagogique. C’est le sens qu’ils attribuent à une situation particulière à un moment donné qui les amènerait à prendre une décision rapide, sans pouvoir en justifier toutes les raisons. Comme le souligne Tochon :

‘« l’activité cognitive centrale des enseignants, tout d’abord comprise en termes de prise de décision, a été progressivement conçue comme une construction du sens pédagogique, la prise de décision étant l’une des activités plurielles au service de la création de la connaissance. »’

La construction du sens pédagogique passe par la prise en compte des éléments du contexte. On retrouve chez les enseignants une caractéristique des experts en général, quel que soit leur domaine d’expertise :

‘« un expert serait tel, non pas par un pouvoir de généralisation, mais plutôt par un pouvoir de particularisation. » 19

Ce pouvoir de particularisation exige d’avoir rencontré des situations analogues, de les avoir mémorisées et d’avoir mis en place des mécanismes permettant de les retrouver au bon moment, rapidement, ce qui permet de proposer une intervention appropriée au contexte. Si l’expérience est nécessaire à la réussite de l’intervention, elle est loin d’être suffisante. Ce n’est pas pace qu’on a vécu des expériences d’enseignement bonnes ou mauvaises que l’on est capable d’avoir la bonne réaction au bon moment Il faut que la réaction choisie soit pertinente, c’est dire que l’observation précise du contexte est accompagnée de la recherche de stratégies ayant fait leurs preuves dans le passé, dans des situations jugées analogues.

Les enseignants experts feraient preuve d’un certain anticonformisme qui les conduirait à modifier les règles, et même à faire évoluer leur propre mode de penser à partir d’une forme « d’abstraction réfléchie » .

‘« Le projet des experts […] témoignerait de la réappropriation du programme et de capacités spontanées de recadrage. Ce projet tient compte d’un élève qui n’est plus passif, mais qui a « de fermes préconceptions sur la connaissance, l’enseignement, la manière d’apprendre » 20 . ’

L’expert ne suivrait donc pas strictement les règles comme le novice a tendance à le faire. Il serait capable de remettre en cause, dans une certaine mesure, mais dans l’instant, les règles qui lui sont proposées, et quelquefois imposées, de l’extérieur ; mais il va plus loin puisqu’il remet en question les règles qu’il s’est lui même données. Il serait aussi capable, et c’est même une partie intégrante de son projet, de changer de point de vue, et de prendre celui de l’élève.

Cette remise en question permanente constitue une réflexion dans l’action. Cette réflexion dans l’action repose sur une disponibilité pour analyser le contexte du moment présent tout en ayant à sa portée un nombre important de cas particuliers à partir desquels il va pouvoir faire un choix stratégique.

Si l’on s’en tient à une description des comportements de l’expert, cela n’est pas d’un grand secours pour aider d’autres enseignants à mettre en place des intentions pédagogiques ; « Voici comme ils font, faites comme eux » est un conseil tout à fait insuffisant, puisqu’il s’agit de décider très vite et très souvent en se fondant sur une analyse implicite et incomplète de la situation.

En particulier, une intention pédagogique va induire de nouveaux comportements, va conduire à une gestion différente de la classe, donc à une prise de décision sous de nouvelles bases. Comment l’enseignant va-t-il intégrer ces nouveaux comportements dans sa pratique ? Cette question nous paraît être au centre de la réalisation de nouvelles intentions pédagogiques.

Notes
19.

REY Bernard, (1996), Les compétences transversales en question, ESF, Paris, p 90

20.

TOCHON F.V. , 1993,op cité, p 165