8.3. Un principe généreux ne suffit pas à formuler une intention pédagogique

Quand Pestalozzi 43 écrit :

‘« Ma façon de procéder à cet égard partait du principe suivant : cherche d'abord à élargir le cœur de tes enfants et à mettre en contact leur sensibilité, leur expérience et leur activité avec l'amour et la bienveillance ; c'est ainsi que tu enracineras ces sentiments au plus intime d'eux-mêmes, puis tu les habitueras à mettre en œuvre de nombreuses actions qui leur permettront d'exercer avec assurance et toujours plus largement cette bienveillance autour d'eux », ’

Il énonce un principe généreux qu’il appliquait avec beaucoup de ferveur, et sans doute de succès auprès des enfants.

Plus loin, il ajoute :

‘« Je ne connaissais aucun ordre, aucune méthode, aucun art qui ne dérivât tout naturellement de la conviction qu'avaient les enfants de mon amour pour eux. Je n'en voulais pas connaître d'autre. » ’

Ce principe peut sans doute sous-tendre l’approche d’un enseignant particulièrement impliqué auprès de ses élèves, mais il ne saurait constituer, pour nous, une « intention pédagogique ». Une intention pédagogique doit pouvoir être réalisée par tous les enseignants. Ici, l’origine de l’action pédagogique repose sur une relation affective forte nouée entre l’enseignant et l’élève. Certains enseignants vont pourvoir nouer ce type de relation, mais il s’agit plus d’une « utopie », qui peut d’ailleurs être discutée, que d’une « intention pédagogique » qui pourrait générer une pratique pédagogique universelle. L’utopie peut jouer un rôle très positif, qu’il ne s’agit pas de minimiser, dans la réflexion et l’évolution des pratiques pédagogiques. Mais, contrairement à l’utopie, l’intention pédagogique se veut source possible d’une pratique pédagogique réalisable par tous les enseignants qui voudraient s’en donner les moyens.

Notes
43.

PESTALOZZI Heinrich, Lettre de Stans, MINIZOÉ, page 30