9. Conclusion

Deux facteurs essentiels semblent être la cause de la très grande stabilité des pratiques enseignantes : le modèle de l’enseignement interactif et les conceptions des enseignants

9.1. La nécessité de dépasser la situation « d’affrontement » du cadre de l’enseignement interactif

L’analyse précédente concerne l’ « enseignant interactif » . L’enseignant interactif est face à sa classe. C’est autour de lui et par lui que s’organise l’activité à un instant donné, comme l’indique Michael Hüberman dans sa préface du livre de F.V. Tochon :

‘C’est la dynamique de l’affrontement, comme l’indique l’auteur, qui active ces représentations et qui, de façon heuristique, suggère la question à poser, l’activité à déclencher, le petit travail de groupe à mener. Cette dynamique est renforcée, comme nous l’avons dit, par la maîtrise du domaine d’enseignement. Mais, notons - car c’est notre prochain point - que la réponse à l’affrontement n’est pas algorithmique, n’est pas uniforme, ne restitue pas une réponse-type. En effet, rien ne s’y prête. Le moment est en quelque sorte unique, et le contexte de l’action est particulier. En grande partie, notre enseignant expert l’est par son ouverture à une situation qui émerge, par sa mobilité pédagogique, par sa capacité de voir ce qui mérite attention et approfondissement, et par une grande gamme de réponses possibles lui permettant de gérer la situation didactique ou, mieux encore, de l’exploiter. 45

Hüberman souligne aussi la nécessité de prendre en compte une multitude de facteurs apparemment contradictoires :

‘Les enseignants sont des professionnels pourvus d’une double compétence: la gestion simultanée de la didactique et de l’apprentissage, des contenus et des stratégies contextualisées. D’un côté, nous avons une gamme de stratégies et de compétences pédagogiques; de l’autre, nous avons la maîtrise du domaine et de ses outils (manuels, textes, progressions).’ ‘Or, peu de chercheurs ont essayé de traiter ensemble ces facteurs, alors que ceux-ci opèrent ensemble au sein de la classe, bien qu’il ne soit pas certain que nous arrivions à les traiter ensemble sur le plan conceptuel, la tentative vaut bien la chandelle, surtout si les domaines de recherche veulent s’approcher des configurations des pratiques pédagogiques quotidiennes.’

Il nous semble que tant que l’enseignant sera, à chaque instant, le responsable des échanges et des pratiques, tant qu’il sera au centre de l’organisation de la classe, que la structure de la classe reste la même et que l’improvisation créatrice de l’enseignant soit le pivot de la structure pédagogique, l’évolution des pratiques pédagogiques sera lente et très dépendante de ses qualités personnelles.

Il nous faut un autre cadre conceptuel, plus souple, permettant plus directement la réalisation d’intentions pédagogiques. Ce cadre ne devra pas être réducteur, mais au contraire il devrait élargir les possibilités d’action de l’enseignant tout en le libérant de la gestion immédiate des événements pour lui permettre de se consacrer à la réalisation d’intentions pédagogiques qu’il jugerait dignes d’intérêt. Ce cadre devra fonder l’apprentissage sur d’autres bases que cette dynamique de l’affrontement dont parle Hüberman.

Notes
45.

HÜBERMAN Michel, in F.V. TOCHON, op cité, Préface.