1.2.6. Un exemple d’utilisation d’outils pour développer des fonctions psychiques

Dans « The making of mind », (1979), Luria 57 rapporte une expérimentation effectuée avec de vrais jumeaux Nous allons rapporter cette expérience en insistant sur le rôle d’un outil psychologique dans le développement. Cela nous permettra de préciser à la fois la nature de l’outil psychologique et la façon dont il opère.

Les jumeaux (5- 7 ans et 11-13 ans) sont séparés en deux groupes, chaque jumeau n’étant pas dans le même groupe que son frère. Les deux groupes ont le même jeu de construction, qui leur permet de réaliser des constructions complexes. Les deux groupes subissent un entraînement de même durée. Cet entraînement consiste à construire des solides à partir d’un plan. Le plan du premier groupe montre le solide à construire, et la forme des blocs qui permettent la construction est représentée en pointillés dans le solide. Dans le second groupe, les enfants n’ont que la forme générale du solide à obtenir, sans représentation des éléments qui la constituent.

Il nous semble que nous sommes dans une situation identique, mais où l’outil fourni aux enfants est différent. Luria ne parle pas d’outil dans cette expérience. Nous dirons dans le cas où les blocs ne sont pas représentés dans le solide que l’outil est simple et que l’autre est global.

L’entraînement a duré deux mois et demi, à raison de deux séances par jour. À la fin de l’entraînement, on demande à chacun des deux groupes de réaliser un solide à l’aide de l’outil global. Le groupe qui avait subi l’entraînement avec l’outil global réussit mieux, mais quand on demande aux deux groupes de réaliser un solide avec l’outil simple, c’est encore le groupe qui a utilisé l’outil global qui réussit le mieux.

Luria a établi que la différence entre les deux groupes est que le groupe qui a utilisé l’outil global a développé des capacités d’analyse supérieures à l’autre groupe. Ces capacités d’analyse se sont révélées dans d’autres tâches, comme prévoir l’étape suivante dans la construction du solide, ou chercher des blocs manquants dans un modèle. Le temps de concentration dont était capable les enfants qui utilisaient l’outil global était plus long.

Comme les enfants qui ont utilisé l’outil global semblaient avoir une meilleure représentation du monde en trois dimension, Luria a proposé l’expérience suivante : il leur a demandé d’imiter les mouvements d’un expérimentateur en face d’eux. Par exemple, si l’expérimentateur levait la main droite, l’enfant devait lever la main droite, c’est-à-dire la main qui n’était pas en face de celle de l’expérimentateur. Le groupe qui avait été entraîné avec l’outil global réussit mieux que l’autre.

Quand les enfants faisaient des constructions libres, les enfants qui utilisaient l’outil simple n’avaient pas modifié leur comportement et abandonnaient assez vite, alors que les autres planifiaient et jouaient plus longtemps. Six mois plus tard, la différence subsistait.

Il semble donc que l’outil global ait engendré le développement de fonctions cognitives (psychologiques comme on disait à l’époque) portant sur la capacité à faire le rapport entre un solide et ses éléments donc à analyser une structure, portant aussi sur la capacité à planifier et ils ont développé des possibilités plus grandes au niveau de la concentration.

Notes
57.

COLE, M., & COLE, S.,1979, op cité , pp 43 et suivantes