1.2.11. Agir en utilisant des outils pour développer des schèmes

Comment interpréter cet apprentissage ? Pour cela, à la suite de Piaget, mais en élargissant le concept, Vergnaud propose le concept de schème. Il propose deux définitions.

‘Un schème est une forme invariante d'organisation de l’activité et de la conduite associée à une classe de situations.’

Il illustre cette définition par l’exemple suivant :

‘[…] Le saut en hauteur pratiqué aujourd'hui dans le sport de haut niveau est différent de celui pratiqué il y a un demi-siècle.’ ‘C'est donc une forme culturelle. En même temps, elle est person­nelle, puisqu'un champion ne s'y prend pas exactement de la même manière qu'un autre. En outre, le même champion ne produit pas exactement la même séquence de gestes d'un saut à l'autre. Ce qui est invariant, c'est l'organisation, non pas la conduite elle-même. Un schème n'est pas un stéréotype. Il est associé à une classe de situa­tions, non à une situation singulière. C'est donc un universel, comme le concept, même si la classe de situations est petite.’ ‘Les mots et les signes jouent un rôle important dans la concep­tualisation, ce qui va dans le sens des thèses vygotskiennes; pour­tant il n'est pas toujours nécessaire, pour raisonner juste, d'expliciter les théorèmes sur lesquels repose le raisonnement.’ ‘D'où découle la nécessité de disposer d'un cadre conceptuel per­mettant de saisir les connaissances sous-jacentes à l'activité: concept-­en-acte et théorème-en-acte. Ces concepts sont absents de la théorie vygotskienne. 60

Pour qu’il y ait schème, il faut qu’il y ait structuration, avec possibilité d’adaptation, d’une démarche. La connaissance sous-jacente n’est pas nécessairement explicite, mais elle existe en raison même de la reproduction possible de l’activité avec adaptation à des circonstances particulières. C’est cette possibilité qui permet de poser l’existence d’un apprentissage réel dans le cadre d’une activité, sans qu’il y ait explicitation complète des étapes, des conditions d’application et des références. Si l’on sait faire, si l’on sait comment faire et dans quelles circonstances faire sans que tout ait été explicité, alors il y a un apprentissage. Ce peut être l’utilisation judicieuse d’un théorème, bien que ce dernier ne soit pas complètement explicité : c’est ce que Vergnaud appelle un « théorème en acte ».

Vergnaud précise ensuite la définition d’un schème en la décomposant :

  • Une seconde définition du schème

La deuxième définition du concept de schème est plus analy­tique que la première. Un schème comporte nécessairement quatre sortes de composantes :

  • Un ou plusieurs buts, se déclinant en sous buts et anticipations;
  • Des règles d'action, de prise d'information et de contrôle;
  • Des invariants opératoires: concepts en acte et théorèmes en acte;
  • Des possibilités d'inférence.
‘Ces quatre composantes permettent de rendre compte de plu­sieurs propriétés du schème: l'intentionnalité (buts et sous buts), le caractère génératif (les règles engendrent l'activité au fur et à mesure), la connaissance du réel (les invariants opératoires), l'adaptabilité à la variété des cas de figure et le calcul en situation (les possibilités d'inférence) 61 .’

Un schème correspond donc à une ligne d’action conduisant à la résolution d’un problème. Cette ligne d’action peut comporter une structure invariante sur des situations voisines, mais aussi des possibilités de contrôle et de prise d’informations permettant l’adaptation. Cette ligne d’action passe aussi par l’utilisation, l’adaptation et la mise en perspective de résultats connus. Les connaissances qui peuvent être intégrées de cette façon ont des caractéristiques particulières : elles n’ont pas la forme d’énoncés, mais elles permettent l’action et le contrôle de l’action. L’action et son contrôle permettraient donc de développer des schèmes, une forme de connaissance non complètement explicitée.

Notes
60.

VERGNAUD Gérard, 2000, Lev VYGOTSKI, Pédagogue et penseur de notre temps, Hachette Éducation, Paris, page 89 et suivantes.

61.

VERGNAUD Gérard, 2000, ibid, Paris, page 92