2.11. Conscience et apprentissage

Une activité est un cadre minimum à l’intérieur duquel un sujet actif va « élargir sa conscience ». Avec Leontiev, nous avons défini la conscience comme l’interrelation de tous les processus qui participent activement à la compréhension du monde et de l’être humain. L’apprentissage peut être défini de la même façon, et ce que dit Leontiev quant au développement de la conscience peut s’appliquer à l’apprentissage. On peut donc poser que l’activité est le cadre minimum dans lequel peut se développer l’apprentissage. Il reste que l’apprentissage ainsi défini a des caractéristiques particulières, que nous allons tenter de dégager.

• L’apprentissage se développe avec l’activité. Il est d’abord à noter que l’apprentissage ainsi défini ne précède pas l’activité, mais se développe avec elle. C’est un point de vue opposé à la conception de l’enseignement fondée sur la parole et la participation. Dans ce dernier cas, les élèves sont d’abord instruits puis ils agissent ;
• L’unification de faire et d’apprendre. De façon plus générale, la relation entre faire et apprendre est envisagée d’une manière très différente : il n’y a pas dichotomie entre faire et apprendre, entre corps et esprit, mais unification. La conscience, et l’apprentissage, unifient l’attention, l’intention, la mémorisation, le raisonnement, la parole ;
• La construction sociale de l’apprentissage. Nous ne sommes pas dans un processus de transmission directe de connaissances, mais dans une situation où, dans une large mesure, la connaissance est socialement construite. Le langage, les signes et les symboles acquièrent leur sens par la communication et sont les outils qui permettent la construction du sens dans la conscience ;
• L’apprentissage est dirigé par la conscience de celui qui apprend. L’apprentissage est envisagé à partir du développement de la conscience, de « l’intérieur » de celui qui apprend. Ce point de vue est opposé aux conceptions consistant à se placer à « l’extérieur », c’est-à-dire du point de vue du savoir à transmettre et de l’interaction avec la classe. Dans le premier cas, le moteur sera à trouver à l’intérieur du sujet, dans le second cas, il sera à trouver dans l’action et l’habileté de l’enseignant. Dans le premier cas, l’enseignant devra planifier une activité dont la structure fera de l’apprenant un sujet actif et social qu’il ne restera plus qu’à accompagner Dans le second cas, il y aura bien sur planification, préparation de classe, mais le but sera de permettre à l’enseignant d’agir au mieux pour préparer les élèves à accueillir son discours et favoriser leur participation. Dans le premier cas, l’action essentielle de l’enseignant se déroulera avant la classe. Dans le second cas, elle se déroulera pendant la classe. Dans le premier cas, l’élève sera placé à l’intérieur d’une structure sociale complexe, dans le second cas, la structure sera construite autour de l’enseignant.
• L’apprentissage ne se fait pas du plus simple vers le plus compliqué, mais en situant l’élémentaire dans le complexe. Alors que l’on construit habituellement une séquence du plus simple au plus compliqué, et de façon assez linéaire, il y a, dans l’activité, coexistence entre des niveaux différents : le simple et l’élémentaire étant, à tout moment, présents et situés par rapport au général et au complexe. En effet, les actions, les opérations sont indispensables pour s’approcher de la finalité de l’activité et n’ont de sens qu’en fonction de ces finalités, mais ces finalités vont évoluer dans la conscience de chacun parce que les actions des autres acteurs vont élargir le point de vue initial. Il y a influence réciproque entre actions et finalités ; Nous sommes dans une relation systémique relevant de la complexité, servant de cadre à l’apprentissage.

Vygotski et Leontiev ont donné des fondements théoriques qui semblent légitimer un apprentissage fondé, en particulier, sur les considérations précédentes. Nous sommes loin des principes traditionnels servant de base à l’intervention pédagogique. L’activité semble ouvrir des perspectives nouvelles et justifiées du point de vue pédagogique. Mais nous ne n’avons encore que peu d’informations permettant de mettre en place une activité. Engeström, en fournissant une description plus précise,va nous permettre de proposer une structure d’organisation pratique.