1.4. La compétence de l’expert

On va dire d’un expert qu’il est compétent, c’est-à-dire qu’il va agir avec efficacité face à un problème à résoudre. Or un expert semble avoir un comportement fort différent de celui d’un novice : il sait sélectionner les traits pertinents d’un problème pour dégager une stratégie de résolution, alors que le novice peut ne sélectionner que des traits de surface non spécifiques au domaine conceptuel en jeu. 96 On pourrait, avec Bernard Rey 97 ,

‘« Penser qu’enfin nous voyons à l’œuvre des capacités transversales susceptibles de se transférer à tous les problèmes d’une classe et propres à faire reconnaître un problème nouveau comme appartenant à cette classe ».’

Mais Cauzinille-Marmèche et Mathieu font remarquer par ailleurs que :

‘L’expert se distingue par le fait qu’il possède un grand nombre de procédures de réponses spécifiques. Leur nombre peut être élevé, mais elles sont facilement accessibles dès lors qu’il a pu avoir appariement entre le problème à résoudre et l’un des problèmes stockés en mémoire. S’il en est ainsi, il se pourrait bien que les experts ne soient pas tels parce qu’ils détiennent des capacités transversales qu’ils peuvent mobiliser dans un grand nombre de situations nouvelles, mais parce ce qu’ils connaissent un grand nombre de situations particulières, si bien qu’ils peuvent fréquemment opérer l’appariement d’un problème nouveau avec des situations déjà rencontrées et pour lesquelles ils possèdent une procédure. Tout semble indiquer que l’expert n’est pas celui qui sait généraliser une structure, mais plutôt celui qui dispose d’un grand nombre de procédures spécifiques. L’expert serait tel, non pas par un pouvoir de généralisation, mais plutôt par un pouvoir de particularisation et le transfert réussi relèverait plus du second que du premier » 98 .’

Ainsi, la compétence de l’expert serait associée à ce « pouvoir de particularisation » qui le renverrait à une expérience passée pertinente. Il reste à préciser ce pouvoir de particularisation.

À ce sujet, F.V. Tochon 99 propose deux généralisations importantes tirées de la littérature :

  1. L’expertise est matière de spécialisation et de connaissance spécifique au domaine.
  2. La connaissance de l’expert est organisée en fonction de capacités d’interpréter les faits et d’être efficace.

Il ajoute :

‘L’expertise « se fonde empiriquement sur la mémoire situationnelle de cas et d’épisodes vécus ». ’

Et, un peu plus loin, il ajoute :

‘« Les experts aspirent à comprendre les principes théoriques d’une situation, qu’ils pourront ensuite réutiliser sans perte de temps »’

De plus,

‘« Leur connaissance des scènes, modèles, et procédures de leur domaine est organisée autour de propositions et de concepts interprétatifs fondamentaux » 100

L’expert organiserait mentalement une multitude de cas particuliers autour de principes généraux. Cette organisation permettrait de retrouver les cas particuliers qui présenteraient des analogies avec une situation nouvelle ; Cette organisation pourrait se constituer progressivement au moment où il a rencontré les situations précédentes.

Notes
96.

Cauzinille-Marmèche E et Mathieu J (1989) « Adapter les interventions tutorielles au modèle cognitif de l’étudiant » in J.P. Caverni, C Bastien, P Mendelshon, G Tibergheim, Psychologie Cognitive, modéles et méthodes; PUG, Grenoble ,p 175-190

97.

REY Bernard, 1996, op cité, pp 88-89

98.

REY Bernard, 1996, op cité, p 90

99.

TOCHON F.V. , 1993, op cité, p 131

100.

TOCHON F.V. , 1993, op cité, p132