1.6. Les conditions nécessaires de manifestation d’une compétence

Dans une situation nouvelle, l’expert chercherait à se donner une représentation la plus précise possible de ce problème, à en dégager les particularités pour rapprocher le problème qu’il doit résoudre de problèmes qu’il aurait déjà résolus. Il particularise le problème. Ce pouvoir de particularisation, quand il se trouve dans un domaine familier, se manifeste par un comportement caractéristique : il passe beaucoup de temps à se représenter le problème à résoudre (la moitié du temps dans le cas d’un problème mathématique) 101 . Il fait une analyse exhaustive de la situation, modifiant les points de vue. Il décompose le problème en sous-problèmes. Il va présenter leurs solutions comme découlant de solutions plus abstraites. Les novices ont des comportements opposés.

Les compétences de haut niveau que démontre l’expert dans la recherche et la présentation des solutions ne peut se manifester que s’il possède des connaissances approfondies du contexte. Si on le place dans un nouveau contexte, il aura un comportement assez semblable à celui d’un novice 102 . Une condition pour qu’une compétence, vue comme un projet, puisse se manifester semble être l’existence d’une banque de connaissances spécifiques. Le projet, dont nous parlions précédemment, ne peut se constituer hors de cette banque de connaissances.

Mais les novices, qui ont la base connaissances spécifiques nécessaires pour résoudre un problème, qui se sont donc familiarisés avec un contexte particulier, peuvent produire un scénario de résolution assez semblable à celui des experts pour qui ce domaine est familier 103 . Les novices peuvent donc construire des compétences de haut niveau à partir du moment où ils donnent du sens au contexte auquel ils sont confrontés. Une compétence pourrait, alors, se constituer lors de l’acquisition de ces connaissances spécifiques. Cependant, ce n’est pas automatique, comme le note F.V. Tochon : deux faits semblent bien avérés par la recherche : certains individus n’apprennent que peu de leur expérience. Et l’expérience est une condition nécessaire mais non suffisante pour développer l’expertise.  104

En résumé, une compétence, telle que les experts la possèdent, pourrait être acquise lors de la résolution de problèmes spécifiques, à condition que se constitue en même temps le projet de mémoriser des situations et les solutions correspondantes pour les réutiliser, tout en les organisant progressivement autour de principes généraux, ce qui permettra de les caractériser et de les retrouver plus facilement.

Notes
101.

TARDIF, Jacques, 1992, Pour un enseignement stratégique, l’apport de la psychologie cognitive, Montréal, Logiques,), p 224

102.

TARDIF, Jacques, 1992, ibid p 223

103.

TARDIF, Jacques, 1992, ibid, p 227

104.

BERLINER D.C. (1987), Ways of thinking about students and classrooms by more and less experienced teachers, In J. Calderhead , Exploring teacher thinking Cassell, Londres, cité par F.V. Tochon, p 215