2. Les difficultés d’un enseignement direct des concepts

L’enseignement procède très souvent par exposé, que ce soit en français ou en mathématiques. C’est l’objet des cours, qui représentent au moins les trois quarts de l’horaire d’enseignement, si l’on s’en tient aux instructions officielles. Ce serait naturellement faux que de prétendre que de nombreux professeurs « n’adaptent » pas ces horaires.

On entend souvent déplorer le peu d’efficacités de ces cours. Or nous avons trouvé, sous la plume de Vygotski :

‘[…] Sous l’angle théorique, aucun doute n’est vraiment permis: la thèse selon laquelle l’enfant acquiert dans le processus d’apprentissage scolaire les concepts tout prêts et les assimile comme on assimile n’importe quelle habileté intellectuelle est totalement dénuée de fondement 123 . ’

Il poursuit :

‘L’expérience pédagogique nous apprend, non moins que la recherche théorique, que l’enseignement direct de concepts s’avère toujours pratiquement impossible et pédagogiquement sans profit.’

L’enseignement des concepts se fait souvent à partir de définitions c’est-à-dire de mots renvoyant à d’autres mots.

‘Le maître qui tente de suivre cette voie n’obtient habituellement rien d’autre qu’une vaine assimilation des mots, un pur verbalisme, simulant et imitant chez l’enfant l’existence des concepts correspondants mais masquant en réalité le vide. L’enfant assimile alors non pas des concepts mais des mots, il acquiert par la mémoire plus que par la pensée et s’avère impuissant dès qu’il s’agit de tenter d’employer à bon escient la connaissance assimilée. 124

Les concepts « tout prêts » ne s’enseigneraient donc pas directement et tenter de le faire en expliquant, en définissant semble être une voie particulièrement difficile. Ces constatations, de nombreux enseignants les font. Ils ressentent ce manque d’efficacité, bien souvent, comme un échec personnel. Le rôle d’une recherche sur l’enseignement est de « faire la part des choses », c’est-à-dire de déterminer où se situe le problème. Le premier obstacle ne concerne pas l’enseignant, mais ce qu’on lui demande de faire. Cela dit, l’enseignant libéré de la culpabilité, peut chercher à élaborer une conception de l’apprentissage des concepts et la confronter avec la réalité. C’est ce que nous allons tenter de faire.

Notes
123.

VYGOTSKI Lev, ibid, p 277

124.

VYGOTSKI Lev, ibid, p 277