2.3. Les connaissances conditionnelles

Revenons à Tardif :

‘C'est particulièrement au sujet des connaissances conditionnelles que l'apport de la psychologie cognitive a été très important. Certains auteurs, comme Clover, Ronning et Brüning (1990) parlent également de connaissances stratégiques. [...j Les connaissances conditionnelles concernent le quand et le pourquoi.’ ‘Alors que les connaissances procédurales correspondent à des séquences d'actions, les connaissances conditionnelles correspondent essentiellement à des classifications, à des catégorisations.’ ‘En mathématique, par exemple, les élèves peuvent exécuter (connaissance procédurale) une série de problèmes portant sur la même opération dans un cahier d'exercices, mais, quand ils doivent appliquer cette opération dans un autre contexte, ils en sont très souvent incapables parce qu'ils ne savent si elle est appropriée ou non.. »’

Nous sommes face à une difficulté classique de l'enseignement : au moment d'utiliser une connaissance semblant pourtant acquise, l'élève ne la retrouve pas, et l'utilise mal. Observons d'abord que Tardif nous dit que les connaissances procédurales ont été acquises en faisant faire des exercices assez répétitifs autour de la même opération. Cette façon d'acquérir une connaissance déclarative nous semble très discutable, et nous y reviendrons.

Les connaissances procédurales se manifestent non pas à l'occasion d'exercices, mais plutôt en faisant des problèmes. Le domaine de manifestation et d'application des connaissances procédurales est l'action. Celui des connaissances conditionnelles est la réflexion sur l'action. Une connaissance conditionnelle se rapproche d'un transfert, c'est ce qu'écrit encore Tardif:

‘« Les connaissances conditionnelles sont les connaissances responsables du transfert des apprentissages. Elles sont également les connaissances qui créent l'expertise chez l'apprenant comme chez le professionnel. »’

Une action, s'étant révélée efficace dans un certain contexte, doit être utilisée dans un contexte un peu différent. Il faut d'abord penser à utiliser cette action, puis à l'adapter. On sait 141 que le transfert doit être « informé », c’est-à-dire qu'il faut signaler à l'élève que la situation dans laquelle il se trouve est analogue, sous un certain point de vue, à une situation déjà rencontrée. Pour que le transfert se fasse, c’est-à-dire que se construise le projet plausible d'utiliser cette action dans un contexte un peu différent, il faut en avoir constaté l'efficacité plusieurs fois, de façon consciente. Ce projet, pour se constituer, demande du temps et devrait commencer à se former dès l'acquisition des connaissances procédurales. Il semblerait que l'élève doive être conscient que la procédure qu'il met en place dans un cas particulier devra être adaptée pour s'appliquer à d'autres cas, et donc pour se révéler efficace. Une des conditions nécessaires à l'émergence des connaissances conditionnelles serait donc que l'élève commence à les exercer, non pas spontanément, mais accompagné, et le plus tôt possible. Cela veut dire qu'il doive résoudre des problèmes très tôt, avec toute l'aide et les médiations possibles pour que les connaissances procédurales soient acquises au plus près des connaissances conditionnelles et des connaissances déclaratives.

Notes
141.

voir chapitre 4, Un objet pour une pédagogie de l’activité, les compétences, section 5