6. Les liens du réseau

La mise en réseau des connaissances passe par la constitution de liens. Nous proposons de regrouper ces liens en trois catégories

6.1. Liens « arrière»

Nous appellerons «liens arrière» les liens entre l'énoncé et tout ce qui a conduit à cet énoncé. Il peut s'agir de liens historiques: une notion a une histoire, dont la connaissance participe à la compréhension. Par exemple, la numération « raconte », comme le dit Georges Ifrah 147 . On voit les difficultés de toutes sortes auxquelles se sont heurtées les hommes pour arriver à dégager des principes fondamentaux, à inventer des concepts, à les nommer, à les utiliser.

Mais il ne s'agit pas seulement de références historiques, mais aussi de références linguistiques. On peut situer les divers ensembles de nombres en retournant à l'étymologie des termes employés, faire par exemple, une distinction, comme le fait Stella Baruk 148 , entre « nombre» et «nombre de ». L'article qu'elle consacre aux nombres dans son dictionnaire est un bon exemple de ce type de « liens arrière» : elle fait le point sur une position moderne de conceptions des nombres, mais aussi en clarifiant le sens des mots, non pas seulement comme on le fait en mathématiques, mais en jouant sur tous les registres de la langue. On se trouve à clarifier les concepts abordés en l’associant à d'autres concepts du domaine étudié, mais aussi à des concepts plus quotidiens.

En français, l’étude du personnage romanesque ne se comprend que si l’on voit l’évolution du héros dans le roman, depuis le héros mythologique, demi-Dieu avec ses attributs, en passant par le héros des romans de chevalerie qui en a gardé certaines caractéristiques, jusqu’au héros moderne, perdu dans un monde qui le dépasse, mais qui essaye de lui donner un sens. Des notions littéraires aussi prennent une partie de leur sens dans leur évolution : par exemple, l’utopie du dix-huitième siècle joue un autre rôle que l’utopie du vingtième, qui change de sens et de portée. L’humanisme et la Renaissance ne se comprennent que par rapport au Moyen-âge, tout comme l’évolution et le rôle des châteaux entre ces deux périodes.

Ces deux points de vue, le point de vue historique et le point de vue linguistique sont des exemples de « liens arrière». Ceci n'épuise pas les possibilités de création des « liens arrière ». Ce type de lien renforce l'ancrage d'une connaissance.

Notes
147.

IFRAH Georges, 1981, Histoire universelle des chiffres. Editions Seghers Paris

148.

BARUK Stella, 1992, Dictionnaire des mathématiques élémentaires, Seuil, Paris,