2.1. Qu’est-ce qu’un problème ?

Une définition : Le mot problème est souvent associé aux mathématiques, et ce n’est pas dans ce sens restreint que nous l’entendons. Polya, pourtant mathématicien, définit un problème de la façon suivante 155 (Chap. 5) :

‘« […] Nous prendrons le mot problème dans une acception très large. Notre premier objet est d'exposer les grands traits de cette acception. Dans le mode de vie moderne, manger ne pose d'habitude pas de problème. S'il m'arrive d'avoir faim à la maison, je vais prendre quelque chose dans le réfrigérateur. Si je suis dehors, je vais à un café ou dans un magasin quelconque. Mais il en va autrement si le réfrigérateur est vide ou bien si je me trouve dehors sans argent; dans ce cas, manger devient un problème.’ ‘De manière générale, un même désir peut donner ou ne pas donner naissance a un problème. Si au même moment que le désir vient immédiatement et sans aucune difficulté à l'esprit un comportement évident qui permettra vraisemblablement d'atteindre l'objet désiré, aucun problème ne se pose.’

Si en revanche un tel comportement ne se présente pas, il y a un problème. Poser un problème signifie donc : rechercher de manière consciente une certaine ligne d'action en vue d'atteindre un but clairement conçu, mais non immédiatement accessible. Résoudre un problème, c'est trouver cette ligne d'action.

‘Un problème est un gros problème s'il est très difficile, c'est un petit problème s'il ne l'est pas. La notion même de problème contient donc celle d'un certain degré de difficulté : il n'y a pas de problème là où il n'y a pas de difficulté. »’

Cette approche du problème est suffisamment large pour s’appliquer au français comme aux mathématiques. Elle s’applique même chaque fois qu’il y a désir, et impossibilité de combler ce désir dans un bref délai. Un problème est plus ou moins difficile à résoudre, mais l’idée de difficulté surgit immédiatement. Dès qu’il y a problème, il y a difficulté, et cette difficulté réside dans l’incertitude de la recherche de cette ligne d’action.

D’autre part, Polya parle de « désir » comme moteur de la recherche d’une solution, même s’il temporise son propos en parlant de but dans le second paragraphe. Dans un contexte scolaire, il serait sans doute quelque peu illusoire de compter sur le désir spontané des élèves pour résoudre des problèmes. La motivation des élèves reste bien souvent à construire, et cette construction devra être prise en compte.

Enfin Polya parle d’un but « clairement conçu ». La nécessité de bien concevoir le but à atteindre n’est pas non plus une donnée, mais fait partie du travail de résolution du problème. La définition pourtant simple, proposée par Polya montre qu’un problème n’est pas donné, mais qu’il faut aussi le construire pour avoir une chance d’en produire une solution. Et il n’est pas nécessaire d’avoir recours à des problèmes dits « ouverts » : pour aborder un problème, il faut se donner un motif pour en aborder la résolution, en préciser les contours et en déterminer clairement le but.

Certains spécialistes en sciences de l’éducation ont d’ailleurs critiqué une approche aussi large à l’idée de problème, en particulier les didacticiens en mathématiques. Ils trouvent que c’est une approche qui fait la part trop belle aux psychologues, et que la prise en compte de la discipline n’intervient pas assez dans la définition. Il est vrai que Polya est parti à la recherche de stratégies générales de résolution de problèmes, ce qui lui semblait un des savoir-faire essentiel du mathématicien. Ces stratégies générales peuvent être assimilées à des compétences. Or, on sait maintenant que les compétences générales ne se constituent qu’à partir de situations contextualisées, et que l’acquisition d’une compétence générale est le résultat de la résolution contrôlée de nombreux problèmes.

Nous pouvons maintenant tirer de l’approche de Polya quelques enseignements concernant le rôle d’un l’outil dans une pédagogie de l’activité. Comme Polya l’indique, avant de chercher la solution à un problème, il faut avoir le désir de résoudre ce problème, et ce désir doit être assez fort pour qu’il vous entraîne à affronter les difficultés inhérentes à la recherche d’une ligne d’action. Peut-on préciser certaines composantes du « désir de résoudre un problème » ?

Notes
155.

POLYA G., (1967), La découverte des mathématiques, Tome 2, DUNOD, Paris, page 131 et suivantes.