2.3.2. L’exercice de certaines fonctions cognitives pour surmonter les obstacles

Quand il faut surmonter un obstacle, l’information ne suffit pas toujours. Pour intérioriser une situation, pour comparer, pour acquérir de nouveaux savoir-faire, de nouvelles connaissances, il faut utiliser les fonctions cognitives qui le permettent. Si ces fonctions cognitives ne sont pas disponibles, il reste alors à les développer. L’exercice de ces fonctions cognitives peut se révéler indispensable pour surmonter les obstacles et développer les compétences ou les connaissances qui vont permettre de le faire.

Un obstacle est convenablement surmonté si l’élève acquiert la capacité de le faire. C’est dans cette mesure qu’il ressortira plus fort de cette confrontation, et qu’il sera plus facilement capable d’affronter de nouvelles difficultés. Dans ce cas, ses fonctions cognitives se hissent au niveau des obstacles à surmonter.

Voici, par exemple, la liste des fonctions cognitives déficientes selon Feuerstein 157 (PEI)

Ces fonctions cognitives sont définies en creux : par exemple « le comportement impulsif » signifie que la fonction cognitive qui consisterait à « avoir un comportement réfléchi » est déficiente.

Si une fonction cognitive est déficiente, il ne sera pas possible de réussir certaines étapes conduisant à la résolution d’un problème. L’outil va alors guider l’élève pour qu’il exerce cette fonction cognitive. La fonction cognitive sera exercée à l’occasion de la résolution d’un problème jusqu’à ce qu’elle soit développée. Nous nous situons dans la zone proximale de développement. Un des rôles de l’outil est ainsi de faciliter cette avancée dans la ZPD, en plus de l’intervention des pairs et de l’enseignant.

En mathématiques, par exemple, certains élèves n’ont pas accès au concept de variable et ne peuvent résoudre que des problèmes numériques. Ils ne vont pouvoir résoudre des problèmes faisant intervenir des variables qu’à condition d’avoir une aide. Ils ont alors l’impression de comprendre, mais ils restent encore incapables de résoudre un autre problème faisant intervenir des variables. Un jour pourtant, la question semble réglée, et ce type de problème ne crée plus de difficulté particulière. Cela peut prendre du temps : plus d’un an, entre la seconde et la première. Nous sommes là dans le cas d’une zone proximale de développement où la fonction cognitive qui permettra un jour de concevoir une variable s’élabore par l’exercice, et avec une aide extérieure. Si cette aide s’interrompt, et si l’enseignant décide de faire comme si tous les élèves concevaient la variable, l’apprenant risque de rester au même niveau, et de se retrouver en terminale avec encore la même difficulté. L’outil devra contribuer à l’exercice de fonctions cognitives non encore développées, mais pouvant s’exercer grâce à une médiation. Il devra donc fournir des moyens pratiques par exemple, d’intérioriser, de comparer, de regrouper des données, d’écrire une équation. Certains élèves auront besoin de suivre pas à pas une démarche précise conduisant à un type de solution alors que d’autres pourront s’en affranchir parce qu’ils pourront s’appuyer sur une conceptualisation à laquelle les autres n’auront pas encore accès.

Une des fonctions de l’outil sera donc d’exercer des fonctions cognitives qui vont permettre les acquisitions nécessaires pour surmonter les obstacles rencontrés dans la résolution des problèmes. L’exercice de ces fonctions cognitives pourrait conduire progressivement à leur maîtrise, et à un progrès très significatif de l’élève.

Les fonctions cognitives peuvent être entraînées de deux façons différentes : la première consiste à simplement mettre en œuvre des stratégies de résolution de problèmes qui mettent en œuvre certaines fonctions cognitives de façon implicite. Une seconde consiste à entraîner systématiquement et explicitement les fonctions cognitives qui semblent nécessaires, puis d’exercer ensuite les stratégies de résolution de problèmes qui les intègrent. Des outils spécifiques peuvent être conçus pour faire cet entraînement, même s’il nous semble que l’efficacité soit meilleure quand les fonctions cognitives sont exercées dans un contexte normal d’utilisation, l’effet de transfert étant plus facilement obtenu 158 .

Le choix pour l’une ou l’autre option ne peut se faire qu’après une observation et une évaluation.

Notes
157.

PEI, liste des fonctions cognitives déficientes selon Feuerstein, d’après :FEUERSTEIN, R. (no date). Enrichissement Instrumental: un échantillon d'instruments. Jérusalem: The Hadassah-WIZO-Canada Research Institute.

Voir aussi : FEUERSTEIN, R., Rand, Y., Hoffman, M., & Miller, R. (1980). Instrumental enrichment:an intervention program for cognitive modifiability. Baltimore, MD: University Park Press

158.

Voir le chapitre 3 portant sur le transfert