3. Contribution des conceptions de l’enseignant à l’élaboration d’un outil

Les travaux des chercheurs que nous avons mentionnés indiquent une voie, mais ne peuvent seuls fonder une mise en pratique. Trop de considérations spécifiques interviennent, qui échappent aux théorisations des sciences cognitives. Chaque enseignant, chaque élève, chaque classe ont leur histoire créant des habitudes, fondant des valeurs, engendrant une dynamique particulière qui fonde une culture scolaire très prégnante. Comme une compétence générale ne peut se construire que dans un contexte précis pour s’en dégager progressivement, il nous semble qu’on ne peut envisager de construire un environnement pédagogique et des outils au sens où nous l’entendons, à partir de considérations purement théoriques provenant des sciences cognitives que GARDNER 159 définit de la façon suivante :

‘Je définis la science cognitive comme une tentative contemporaine, faisant appel à des méthodes empiriques pour répondre à des questions épistémologiques fort anciennes, et plus particulièrement à celles concernant la nature du savoir, ses composantes, ses sources, son développement et son essor. Bien que le terme de science cognitive s'étende parfois à toutes les formes de connaissance, animée aussi bien qu'inanimée, humaine aussi bien que non humaine, je l'applique surtout aux efforts tentés en vue d'expliquer le savoir humain... Aujourd'hui, la plupart des cogniticiens sont issus de disciplines spécifiques, en particulier de la philosophie, de la psychologie, de l'intelligence artificielle, de la linguistique, de l'anthropologie ou des neurosciences (je parlerai de cet ensemble de disciplines en tant que "sciences cognitives "). ’

Même si les sciences cognitives sont issues de ces disciplines variées et complémentaires, elles restent, à notre sens, insuffisantes pour prescrire une action auprès d’un groupe d’élèves, et donc de fonder une conception des activités, et en particulier des outils. Cela ne remet nullement en cause la validité des travaux que nous avons mentionnés plus haut, mais demande de les situer par rapport à d’autres considérations dans une démarche de changement que l’enseignant initie et contrôle dans un cadre dont il ne maîtrise pas tous les aspects.

À côté des sciences cognitives, nous devons placer les conceptions de l’enseignant pour fonder l’élaboration et la construction des outils. C’est dans la mesure où la subjectivité de l’enseignant pourra s’exprimer qu’il pourra élaborer, conduire et s’insérer dans l’activité pour qu’elle corresponde à la situation dans laquelle il se trouve.

Les conceptions de l’enseignant nous apparaissent comme une tentative de synthèse des théories qu’il connaît, de son expérience, de ses valeurs, de la situation pratique et particulière dans laquelle il se trouve. Ses conceptions lui permettent de proposer une action concrète correspondant à son milieu, qui réalise le meilleur compromis possible entre son idéal, ses possibilités et les contraintes matérielles dans lesquelles il se trouve. L’outil concret utilisable dans une classe donnée par un enseignant particulier devrait donc être différent d’un autre outil utilisé par un autre enseignant, même si cela concerne une classe considérée comme équivalente.

Notes
159.

GARDNER H. (1993) Histoire de la révolution cognitive, La nouvelle science de l'esprit, Payot , Paris