4.3. Quatre types de situation pour passer de l’action au savoir

Une difficulté rencontrée dans une approche par résolution de problème se situe dans le passage de la résolution des problèmes à des connaissances individuelles ou aux savoirs qui sont par nature communs à une large communauté dépassant la classe et l’école. Brousseau intègre cet aspect et résume ainsi les caractéristiques d’une « bonne situation didactique » en distinguant quatre types de situations qui constituent quatre étapes dont la combinaison conduit à l’acquisition d’un savoir :

Brousseau caractérise les quatre types de situation précédents de la façon suivante :

Nous pouvons résumer l'action en disant qu’il s’agit de tenter de résoudre un nouveau problème, de prendre conscience des obstacles à surmonter, de les cerner et de décrire en quoi la méthode spontanée suivie se révèle insuffisante. Cette méthode spontanée consiste, la plupart du temps, à suivre un modèle dont l’élève n’est pas conscient. Si la tentative de résolution du problème est individuelle, la phase qui consiste à évaluer de la réussite ou de l’échec relatif de la démarche nous semble avoir d’incontournables composantes sociales. Il est d’autant plus important que ce ne soit pas l’enseignant qui les assume seul, l’exercice de l’autorité et l’évaluation d’une démarche scientifique nous semblant incompatibles.

La formulation consiste donc à suivre une démarche plus cohérente, plus consciente, à utiliser de nouvelles connaissances et parvenir à un meilleur résultat Il s’agit de ne pas refaire la même chose, mais d’avoir des idées nouvelles, et d’observer les conséquences de ce nouvelles idées. Ces nouvelles idées correspondent à ce que Brousseau appelle des « modèles explicites ». Pour que ces modèles deviennent réellement explicites, il nous semble qu’ils doivent être dits et précisés à d’autres. Ce sont des démarches qui nous semblent avoir encore des composantes sociales importantes.

La validation consiste à prendre conscience des stratégies et des connaissances utilisées et leur donner une forme plus personnelle, mais aussi à les formuler pour qu’elles soient admissibles et convaincantes pour d’autres. C’est encore un mécanisme social qui demande la collaboration de ses pairs.

L'institutionnalisation passe par une discussion, avec le groupe, des connaissances et des stratégies pour leur donner une forme plus universelle, les formuler de façon classique, les situer par rapport aux connaissances plus anciennes, comparer les stratégies nouvelles aux stratégies déjà utilisées. Cette étape demande la collaboration des autres, pour qu’ils reçoivent ou rejettent les formulations proposées.

Pour Brousseau, le travail à partir de « résolutions de problèmes » trouve son sens à condition de le situer dans une organisation sociale qui prend en compte le passage de l’action individuelle en quête de sens jusqu’à l’acquisition de connaissances et de savoirs partagés.

Nous ne pensons pas que les démarches que nous venons de décrire soient les seules qui permettent le passage du problème aux connaissances ou au savoir. Elles ont, pour le moins, le mérite de décrire avec précision une dimension sociale conduisant à un apprentissage qui a un sens. Cette dimension sociale peut s’exprimer dans le travail en petits groupes, mais une partie des échanges proposés par Brousseau peut être favorisée par l’outil. Un outil peut explicitement guider les échanges entre élèves, en proposant des étapes et des objectifs de discussion. Un outil peut aussi favoriser ces échanges implicitement, en devenant l’objet d’échanges. L’outil, en effet, peut être discuté : l’a–t-on bien utilisé, y a-t-il d’autres façons de l’utiliser, doit-il être complété, ou interprété ? Ces discussions peuvent permettre à chacun de revenir sur ce qu’il propose, sur ce qu’il a fait et donc de prendre conscience de sa démarche.