6.4.4. Observation en classe des difficultés pour aller vers une pédagogie de l’activité.

Un outil s’adresse à une classe particulière, dans un contexte particulier. Ces particularités doivent être prises en compte. Un outil n’est pas universel, même si certains éléments le sont.

Par exemple, dans une classe de seconde de 34 élèves, nous avons fait une liste d’obstacles rencontrés quand on veut aller vers un apprentissage plus actif. Cette liste est le résultat d’observations faites et discutées par des enseignants de cette classe, et plus particulièrement en mathématiques et en français.

Cette liste d’obstacles est suivie d’un commentaire indiquant ce qu’il faudra trouver dans un outil, ou plus généralement dans l’activité, pour contribuer à résoudre ces difficultés.

• Dès que plus de quatre élèves ont besoin d’aide en même temps, la situation devient vite difficile : impossible de répondre à la demande avec comme conséquence du bruit dans la classe et des élèves qui semblent ne rien faire. De plus, les réponses données aux élèves sont trop rapides, ponctuelles et partielles et ne répondent pas complètement à la question et aux difficultés rencontrées.
• • Il s’agit de la première difficulté rencontrée dans une classe dite « active ». Une pédagogie de l’activité, en multipliant les médiations, devrait limiter le recours systématique à l’enseignant dès qu’une difficulté se présente et les outils jouent ici un rôle essentiel. Ils doivent être faits pour répondre à la majorité des questions que se posent les élèves pour résoudre le type de problèmes qu’on leur pose. Le lien avec les supports doit donc être très étroit, en particulier pour les premiers problèmes à résoudre.
  • Les élèves devront aussi avoir appris à utiliser l’outil dès qu’une difficulté se présente, puis à utiliser les autres médiations à sa disposition par exemple les élèves de son groupe et les exemples dont il dispose.
  • Par contre, le temps libéré par l’utilisation des outils et autres médiations devrait permettre à l’enseignant de consacrer plus de temps pour aider les élèves qui ont des difficultés non prévues dans leur environnement.

• L’aide demandée par les élèves est très différente de l’un à l’autre, ce qui rend difficile toute intervention collective.
• • Ce qui précède rend possible des interventions personnelles, en nombre limité mais de durée assez longue pour être efficace. La constitution des groupes de travail devrait permettre une intervention plus différenciée : ces groupes devront être conçus pour que des élèves de style différent travaillent ensemble et apprennent les uns des autres à partir de leurs différences, en évitant un effet miroir les confortant dans leurs habitudes.
  • Une partie de l’outil pourra être construite ou modifiée par chaque élève pour qu’elle corresponde à ses habitudes, à sa démarche, à ses connaissances. Si l’utilisation de l’outil peut être collective, sa forme est individualisée.

• Beaucoup de questions sont la conséquence de textes mal lus, ou lus trop superficiellement, d’étapes sautées, d’une trop grande impulsivité. Les interventions les plus fréquentes consistent à rappeler les étapes d’une méthode pourtant énoncée, mais non suivie.
• • L’outil devra comporter une partie consacrée à la résolution de cette difficulté. Cet obstacle à la résolution des problèmes correspond à l’absence d’évocation, selon le terme employé par A. De La Garanderie. Que ce soit en français ou en mathématiques, nous avons observé que, s’il n’y a pas évocation du problème, c’est-à-dire prise de conscience de son sens avec transformation personnelle du texte et vérification que cette transformation personnelle correspond bien au texte initial, il y des difficulté de compréhension et échec. La Garanderie suggère un travail explicite d’évocation, passant par les modalités personnelles de chacun, considéré comme un « moyen d’apprendre ». Il s’agirait alors d’acquérir une compétence générale qu’il faudrait ensuite particulariser dans chaque situation. Il nous semble que la démarche inverse soit préférable, l’évocation devenant une étape essentielle dans une stratégie de résolution de chaque problème. L’évocation serait donc contextualisée, sa généralisation pouvant intervenir plus tard. Par exemple, en mathématiques, nous allons demander de refaire une figure, de placer toutes les données sur cette figure, et de réécrire la question qu’ils doivent résoudre, puis de vérifier qu’ils ont bien effectué une traduction fidèle de l’énoncé. Ensuite, nous leur demandons de chercher les cas limites et les cas particuliers. Nous leur demandons aussi de distinguer les parties mobiles et les parties fixes, puis de faire bouger mentalement tous les éléments mobiles, soit directement, soit en se racontant le mouvement. Ils peuvent aussi s’aider d’un logiciel de tracé géométrique qui permet de faire la figure et de la faire bouger. Tout cela conduit à évoquer le problème à résoudre. Un texte en français sera évoqué en utilisant des moyens apparemment différents : dessiner la scène, relever des mots. L’outil va donc incorporer ces étapes adaptées aux problèmes proposés dans le support, et l’intervention de l’enseignant sera simplement de renvoyer à l’outil.

• L’aide apportée consiste le plus souvent à donner des explications, mais surtout à poser des questions, à renvoyer vers d’autres documents. Ce genre d’aide demande une nouvelle intervention peu de temps après, difficile à effectuer à cause d’une demande trop forte.
• • Les questions concernent la plupart du temps l’évocation du problème ou la relation entre le problème à faire et des problèmes déjà faits. Nous avons déjà abordé la question de l’évocation. L’outil devra, en plus, faciliter la recherche des liens avec ce qui a déjà été fait. Ce peut être une étape explicitée dans l’outil, (recherche de problèmes déjà résolus, ayant des traits communs avec le problème à résoudre). L’outil doit pouvoir pointer vers des exemples variés, facilement disponibles. L’élève devrait donc trouver assez facilement les exemples et les modèles dont il a besoin. Une simple vérification permettra ensuite de savoir s’il a choisi le bon exemple. Il faut donc que ces exemples et modèles soient facilement disponibles et qu’ils puissent recouvrir une bonne partie des questions posées par les élèves.
  • Les outils peuvent être « emboîtés », c’est-à-dire qu’un outil incorpore l’outil précédent, ou encore demande de faire le lien entre des termes et des documents associés, ou de recenser tous les documents nécessaires pour réaliser la production.

• Certains élèves ne “démarrent pas” et attendent. Ils ont besoin d’une aide qu’il faudra renouveler peu de temps après. Ils ne savent pas dans quelle direction chercher, ni pourquoi aller dans une direction plutôt que dans une autre.
• • Les premiers exercices doivent pouvoir être résolus facilement avec les outils, et une initiation à l’utilisation des outils sera faite pour que l’outil prenne son caractère d’instrument. Cela ne présage en rien de la difficulté des problèmes à résoudre ensuite. Certains d’entre eux pourront au contraire être beaucoup plus difficiles, mais tout le monde devra pouvoir commencer à chercher, à se poser des questions et savoir y répondre au moins au début. Par la suite, l’ensemble des médiations mises à la disposition des élèves devraient permettre à chacun d’atteindre les objectifs minimums, et à tous d’aller aussi loin qu’ils le peuvent.

• Les connaissances qui devraient être acquises lors de la résolution du problème sont oubliées et ne sont pas réutilisées dans les problèmes suivants.
• • Nous avons vu que les connaissances, pour avoir un sens, doivent se constituer en réseau. La partie ressource de l’outil devra permettre la constitution de ce réseau par l’élève lui-même.

• La rédaction laisse souvent à désirer. Elle est peu précise, souvent erronée, et demande un temps de correction considérable en classe. Or les temps de corrections collectives sont souvent peu efficaces : quelques élèves concernés sont attentifs, ce qui ne signifie pas qu’ils acquièrent ces connaissances, et les autres, parce qu’ils ont résolu la question, ou pour toute autre raison, sont passifs. Une correction individuelle semble plus efficace, mais est difficile à mettre en œuvre.
• • Il nous semble nécessaire de limiter les temps de correction collective au strict minimum, dans le cas où une question n’a pas été comprise par l’ensemble de la classe. Cette situation montre, à notre sens, une erreur d’évaluation de la part de l’enseignant, de la difficulté du problème posé.
  • Les erreurs nous semblent devoir être traitées au moment où elles surviennent, c’est-à-dire au plus près de la recherche de la solution, donc avant la remise d’un travail final. Le but est de tout mettre en œuvre pour qu’un travail final ne comporte pas d’erreurs importantes. Les travaux difficiles nous semblent donc devoir être faits, ou tout au moins élaborés en classe, pour profiter de toutes les médiations offertes par l’activité. Traditionnellement, on laisse les élèves se débrouiller seuls pour résoudre les plus grosses difficultés, les devoirs demandant le plus de recherche étant donnés à faire en dehors de la classe. Nous pensons au contraire, qu’ils ont besoin d’aide pour résoudre des problèmes difficiles, donc que ces problèmes doivent être d’abord abordés en classe, parce que résoudre un problème difficile peut aussi s’apprendre.
  • Dans le cas où un nombre restreint d’élèves auraient des difficultés à surmonter, l’aide individualisée permet d’en rechercher individuellement la cause, et de trouver des médiations appropriées. C’est aussi le lieu de discuter des outils existants, de vérifier leur fonctionnement, et de se faire une meilleure idée de la démarche mentale suivie par les élèves. Cela permet d’adapter, avec eux, les outils suivants.
  • Plutôt que de faire des corrections collectives de ce qui a été fait, il nous semble plus efficace d’entreprendre la résolution de problèmes analogues à ceux qui n’ont pas été réussis, avec des moyens nouveaux permettant de combler les lacunes. Ces moyens nouveaux consistent à enrichir, pour certains, les outils dont ils disposent.
  • À côté des outils de recherche, on peut proposer des outils de correction qui ont une structure analogue et qui permettent aux élèves de prendre conscience des oublis qu’ils ont pu faire dans la phase initiale de leur recherche, en particulier en français.
  • Les corrections collectives devraient donc être réduites, et concerner des points très particuliers.

• L’hétérogénéité est un problème important, difficile à gérer. Il est impossible de répondre à des besoins si différents, à des démarches demandant une aide personnalisée.
• • Les outils voudraient permettre à chacun d’avoir une démarche adaptée. Ces outils devront donc être adaptés par les élèves eux-mêmes à leurs besoins particuliers.
  • Mais ce sont les groupes de travail qui nos semblent devoir apporter une réponse significative aux difficultés crées par les différences entre les élèves. Les groupes de travail sont créés de façon à faire travailler ensemble des élèves de niveau différent, ayant des habitudes de travail complémentaires. Notre hypothèse est que les élèves plus forts comme les élèves plus faibles trouveront leur compte dans ces groupes de travail, hypothèse qui devra être confirmée ou infirmée lors de l’évaluation.

Un outil va consister à proposer une ligne d’action aux élèves, ou leur donner des éléments qui vont leur permettre de construire cette ligne d’action tout en maximisant leur apprentissage. L’outil sera une synthèse de tout ce qui précède. Cette synthèse ne peut être achevée en un seul coup. Un outil est donc un prototype qui pourra être modifié en tenant compte des observations faites par l’enseignant, qui devient ainsi un enseignant réflexif, qui fait et qui observe, avec l’aide des élèves.