3. Les groupes de travail hétérogènes et le conflit socio cognitif

Nous avons décrit le travail en petit groupe comme permettant un voyage pour chacun des membres du groupe dans la zone proximale de développement. Une autre conséquence de la diversité des points de vue s’apparente au conflit cognitif, et même sociocognitif.

‘L'on peut donc décrire le conflit sociocognitif comme la confrontation de plusieurs points de vue, sur un même objet, à l'intérieur d’un même cadre intellectuel de référence: c'est parce que les sujets peuvent affronter des représentations différentes, mais pourtant homogènes entre elles qu'ils peuvent accéder à une représentation plus élaborée et hétérogène avec les premières. En d'autres termes, l'échange interindividuel n’est source de progrès qu'à condition que l'on parle de la même chose avec le même langage; et c'est la diversité de ces paroles qui les rend toutes plus ou moins caduques et ouvre à leur réaménagement. La connaissance prend alors la forme d'une rupture avec une représentation partielle pour accéder à une représentation plus objective, c'est-à-dire ayant intégré un nouveau point de vue. Ce processus n'est pourtant pas seulement cumulatif: chaque intégration nouvelle contraint le sujet à repenser son ancien système de représentation, de telle sorte que les éléments nouveaux soient en cohérence avec les anciens. En ce sens, un point de vue partiel n'est véritablement dépassé que quand il est réengagé dans une nouvelle synthèse. Une simple substitution n’est jamais un progrès puisqu'elle est incapable de mettre en perspective le passé et de le comprendre dans sa vérité. 191 ’ ‘En résumé, le conflit sociocognitif requiert trois conditions pour devenir un moyen de progrès intellectuel : l'existence d'une centration commune, la présence de compétences minimales permettant l'échange et la prégnance d’un fonctionnement axé sur le caractère cognitif de 1'échange. 192

Philippe Meirieu donne trois conditions indispensables pour favoriser le conflit sociocognitif, et ces conditions semblent être présentes dans les groupes de travail :

  • La centration commune devrait être assurée par l’objet de l’activité et la production commune à réaliser. L’outil assure aussi cette centration commune.
  • La présence de compétences minimales permettant l’échange : les groupes devraient être composés pour que la communication soit possible, et que l’interdépendance positive soit la plus grande possible. L’enseignant devra s’assurer que cette communication a bien lieu.
  • Le caractère cognitif de l’échange est pris en compte par les règles, la structure générale de l’activité (toute la classe est tournée dans cette direction) qui devrait être progressivement intériorisée par les élèves, et la vigilance de l’enseignant.

Enfin, l’hétérogénéité des groupes devrait assurer la diversité des points de vue.

Le groupe de travail serait le lieu privilégié des débats exprimant des conflits sociocognitifs. Nous avons vu aussi que c’est là que l’élève peut évoluer dans sa zone proximale de développement. Ce sont là les deux fonctions principales du groupe de travail dans une perspective d’acquisition de connaissances.

Notes
191.

MEIRIEU Ph., (2000), Outils pour apprendre en groupe, Chronique sociale, Lyon, p18

192.

MEIRIEU Ph., ibid, p18