10.3. Avons-nous réalisé une pédagogie de l’activité ?

Rappelons les principes de notre projet :

‘Le modèle développé par Engeström est une description d’une unité minimale permettant à la fois le déploiement et l’analyse d’une activité humaine qui aurait un sens. Ce modèle suggère donc une organisation.’ ‘Cette organisation est-elle pédagogiquement fondée ? Elle le sera si elle correspond à un approfondissement des conditions sociales de l’apprentissage. C’est en effet de cela qu’il s’agit : les interactions sociales sont à l’origine des apprentissages scolaires, même si elles se résument quelquefois à un contact entre un professeur et des élèves. L’école regroupe des élèves. Dans la plupart des cas, on considère que leur nombre et leurs différences sont des problèmes qu’il faut surmonter avant d’enseigner, ou qu’il faut enseigner en dépit du nombre et de l’hétérogénéité. ’ ‘On peut maintenant imaginer une autre approche qui profiterait du nombre des élèves et de leurs différences pour construire une organisation sociale qui pendrait en charge certains aspects de l’apprentissage. Une classe traditionnelle n’est pas organisée socialement. Elle est organisée par des conditions matérielles (murs, tables, bureaux, tableaux, laboratoire, etc.) ce qui contraint l’enseignant à intervenir souvent et directement pour gérer la classe et l’enseignement. Dans ce cadre, le changement est difficile. Par contre, si l’on parvient à constituer une « organisation sociale » qui prendrait en charge certains aspects de l’apprentissage », c’est en agissant sur les paramètres de cette organisation que l’on pourrait réaliser certaines intentions pédagogiques. Il faut pour cela que l’organisation projetée constitue bien un environnement dans lequel des élèves apprennent, c’est-à-dire qu’action et connaissance se trouvent liées.’

Avons-nous réussi à créer dans la classe une organisation sociale assurant la prise en charge de certains aspects de l’apprentissage ?

Comment l’hétérogénéité s’insère-t-elle dans cette organisation ?

Peut-on dire que l’action et l’acquisition des connaissances se trouvent associées ?

L’évaluation a établi les points suivants :

Dans ces conditions, peut-on affirmer que nous avons bien mis en place une pédagogie de l’activité ?

Le travail en petit groupes hétérogènes, autonomes, constitue la cellule de base de l’organisation sociale de la classe. Cette organisation fonctionne pendant au moins les trois quarts du temps imparti au cours traditionnel, et ce pendant toute l’année. De ce point de vue, nous avons largement substitué, à l’organisation de la classe autour d’un enseignement interactif, une autre structure qui n’est plus seulement dépendante de l’improvisation créatrice de l’enseignant.

À l’intérieur de cette structure, les élèves semblent développer certaines capacités de collaboration (entraide, partage des connaissances). L’hétérogénéité des petits groupes ne semble pas un obstacle à l’apprentissage, mais au contraire le favoriser. D’autre part c’est en résolvant des problèmes ensemble et en les rédigeant seuls qu’ils acquièrent des connaissances et leur donnent un sens. Les outils jouent un rôle de médiation, mais ils constituent aussi la base des échanges entre élèves

Cette structure semble générer son propre dynamisme : les élèves trouvent ce qu’ils font intéressants, indépendamment de leurs à-priori.

Tous ces points vont bien dans le sens d’une organisation sociale effective prenant en charge une partie de l’apprentissage et de l’hétérogénéité. Dans ce sens, il nous semble que nous ayons bien fait un pas dans la direction d’une pédagogie de l’activité. Dans le chapitre II, nous posions la question: une pédagogie de l’activité est-elle possible ? Nous pouvons répondre que nous pouvons faire des pas importants dans cette direction.

Qu’est-ce qui nous empêche d’affirmer que nous avons réalisé une pédagogie de l’activité ? La réalisation que nous proposons nous a obligé à une réflexion assez fondamentale sur l’acquisition des connaissances, des compétences, sur la construction du sens, sur l’organisation du travail en petits groupes. Le changement de paradigme que nous proposons nous y a contraint au moment de passer à la réalisation concrète d’une pédagogie de l’activité. Cela montre que la base théorique est féconde, puisqu’elle oblige à remettre en cause nos conceptions fondamentales. Nous ne pouvons affirmer que nous sommes allés au bout de cette réflexion. Nous avons simplement créé un environnement dans lequel cette recherche devient possible.

Ce cadre de recherche est aussi un cadre possible d’apprentissage et d’enseignement. Dans ce cadre, quelles sont les questions qu’il faut maintenant se poser ?

Une réponse aux interrogations précédentes permettrait de préciser dans quelle mesure nous avons bien réalisé « une pédagogie de l’activité ». Il nous semble cependant que nous ayons créé un environnement pédagogique permettant maintenant d’aborder ces questions.