I.4. La situation actuelle de l’enseignement du français en Chine

Il nous faut reconnaître que les progrès enregistrés ces dernières années dans l’enseignement du français sont dus à la politique de réforme et d’ouverture au monde, menée par le gouvernement chinois depuis 1978. Cette politique a entraîné un développement rapide de l’économie nationale de la Chine qui a engendré des progrès dans le domaine éducatif et dans l’enseignement des langues étrangères.

Maintenant, la langue étrangère constitue un élément indispensable pour le concours national et pour trouver du travail. L’enseignement des langues étrangères joue un rôle important dans le développement du pays. Le Conseil d’enseignement des langues étrangères organise chaque année des concours nationaux de langues étrangères pour les étudiants universitaires. Ce type de concours, organisé par le gouvernement chinois, a vu le jour pour le français, en mai 2004 : il s’adresse à tous les étudiants de français de deuxième année universitaire et constitue une étape importante dans l’histoire de l’enseignement du français en Chine.

En ce qui concerne l’organisation de l’enseignement du français en Chine, le Ministère de l’Education du gouvernement chinois se charge de la définition des politiques linguistiques et d’enseignement des langues étrangères ainsi que des principes en matière de programmes d’enseignement de la langue maternelle et des langues étrangères. Il s’occupe de la création de postes, des diplômes et de la planification du nombre d’étudiants. Un Conseil national de l’enseignement du français, constitué par des experts de français et par les représentants des universités où le français s’enseigne comme spécialité académique, est placé sous sa direction. Parallèlement à ce Conseil national, il existe aussi un Conseil de l’enseignement du français formé des représentants des universités où le français s’enseigne comme seconde langue étrangère. Comme notre recherche se consacre à l’enseignement du français comme spécialité universitaire, nous ne nous attacherons pas au Conseil national de l’enseignement du français seconde langue étrangère.

La structuration administrative de l’enseignement du FLE en Chine
La structuration administrative de l’enseignement du FLE en Chine

Sous le Ministère de l’Education du gouvernement, les universités et grandes écoles, ainsi que les instituts de langues étrangères constituent le corps principal de l’enseignement du français en Chine. Parmi ces établissements supérieurs, certains sont placés directement sous l’autorité du Ministère de l’Education, d’autres sous l’autorité de la Commission d’éducation provinciale. Dans l’enseignement du français, c’est le Conseil national de l’enseignement du français qui joue pédagogiquement le rôle principal, car c’est lui qui décide des principes directifs du programme d’enseignement, de la structure des cours et de toutes les autres activités pédagogiques à l’échelle nationale. Mais il faut indiquer que toute décision de ce Conseil se transmet administrativement par le Ministère de l’Education. Le Conseil national de l’enseignement est plutôt une instance pédagogique qu’administrative. En 1985, il a organisé le premier concours national de français fondamental pour vérifier l’application du programme. Au mois de juin 1991, il a effectué le premier test de niveau de français parmi les étudiants de quatrième année, et ce, à l’échelle nationale afin de rédiger les manuels de français pour les étudiants de quatrième année. Enfin, Il organise, de temps à autre, des concours nationaux de français.

En ce qui concerne les manuels de français, nous pouvons trouver sur le marché plusieurs manuels de français fondamental qui ont été rédigés respectivement par l’Institut des langues étrangères de Pékin (« Le français » 4 volumes) 2 , l’Institut des Langues étrangères de Shanghai (« Le manuel de français » 4 volumes) 3 , l’Université de Pékin, l’Université de l’économie et du commerce extérieur de Chine (« Le français élémentaire » 4 volumes) 4  ; mais c’est le manuel de français fondamental rédigé par l’Institut des Langues étrangères de Pékin qui est préconisé par le Conseil national pour l’apprentissage du français dans toutes les écoles supérieures.

L’enseignement / apprentissage du français langue étrangère en Chine dure normalement quatre ans dans les écoles supérieures. Il faut préciser que, concernant le développement de l’enseignement du français en Chine, la coopération entre les gouvernements français et chinois est indispensable. L’Université de Wuhan, qui bénéficie de l’appui de l’Ambassade de France à Pékin, est la seule université où les étudiants-chercheurs chinois peuvent faire un DEA de littérature française, avant de partir en France pour réaliser un doctorat. Les universités et instituts s’occupent non seulement de l’enseignement du français à plein temps, mais aussi des stages de formation auxquels participent les jeunes qui n’ont pas pu entrer à l’université mais qui veulent apprendre le français pour pouvoir aller en France ou dans les pays francophones. Certaines écoles du soir se chargent aussi de l’enseignement du français. Ce sont surtout les jeunes, ayant déjà un travail, qui fréquentent ces écoles. Outre l’enseignement du français mené aux universités et dans les écoles du soir, un certain nombre d’adultes suivent des cours de français à l’Alliance française qui possède des succursales dans beaucoup de grandes villes chinoises. L’accès y est très difficile, c’est pour cette raison que l’on peut voir dès 5 heures du matin des apprenants faire la queue devant l’entrée de l’Alliance française à Pékin, au moment de l’inscription au test TEF (Test d’Evaluation de Français).

La Chine se trouve dans une période de transition en ce qui concerne la méthode d’enseignement de la langue française, elle est entre deux pôles comme Lyon entre deux fleuves; l’une des approches représente le moyen traditionnel, l’autre le moyen moderne. Dans une classe de français, nous voyons l’intégration de ces deux moyens effectués respectivement par les enseignants chinois et leurs collègues français. Les enseignants chinois enseignent en classe de français la phonétique, le lexique, la grammaire, la littérature française, la rédaction, la traduction, la stylistique et un peu la linguistique. Les enseignants français se chargent des cours de compréhension orale et d’expression orale, ce sont des activités communicatives en langue cible.

Nous avons remarqué, au cours de notre recherche, que les enseignants chinois n’ont pas beaucoup de liberté pour organiser les activités didactiques en classe parce qu’ils sont obligés de suivre un manuel prescrit par l’administration pédagogique de l’université. Par contre, les enseignants français jouissent de beaucoup plus de liberté pour organiser leur programme d’enseignement, même si on leur recommande également un manuel rédigé par des experts français. Cette liberté permet aux enseignants natifs de programmer les activités didactiques et d’y ajouter d’autres connaissances linguistiques et culturelles en fonction des besoins et des réactions des étudiants pendant les activités didactiques en classe.

Etant une des langues les plus apprises dans le monde, le français garde un statut important dans la communication internationale. L’enseignement du FLE connaît un nouvel essor depuis près de 5 ans avec le développement de l’enseignement du français à l’université et la présence des Alliances françaises en Chine. Actuellement, la situation d’apprentissage du français pousse tous les départements concernés de l’université à organiser une classe, spéciale, payante et supplémentaire pour répondre à la demande sociale.

Il faut signaler que depuis ces trente dernières années, avec le développement de la linguistique, de la psycho-linguistique et de la socio-linguistique, l’enseignement des langues étrangères, et notamment du français, a connu de grands changements. Les séminaires organisés par l’Ambassade de France à Pékin concernant la didactique du français langue étrangère ont en particulier permis d’exposer une nouvelle méthode d’enseignement du français, aux collègues chinois, et spécialement aux plus jeunes enseignants, qui ont un diplôme de haut niveau, mais pas toujours les dernières conceptions en matière de didactique. L’examen critique de l’enseignement dit traditionnel a tout remis en cause: objectifs, conceptions, méthodes, moyens utilisés, dynamique de la classe de langue, rôle et formation des enseignants, programmes et examens. Pour l’enseignement du FLE en Chine dans le cadre universitaire, la question que l’on peut se poser au sujet de la méthode traditionnelle est la suivante: est-il possible d’élaborer une nouvelle méthode en partant d’une méthode classique ? Les linguistes, les didacticiens et les experts cherchent par tous les moyens à renouveler l’enseignement traditionnel du FLE. Actuellement, la didactique des langues étrangères est devenue une discipline indépendante, une discipline nouvelle et importante, qui offre une nouvelle perspective dans l’évolution de la méthodologie didactique. La recherche que nous entreprenons, qui concerne les classes traditionnelles et conversationnelles, au moment de la pratique langagière, et dans lesquelles opèrent trois enseignantes natives et non natives, avec ou sans manuel, pourra nous orienter vers une nouvelle conception didactique dans l’enseignement du FLE en Chine.

Notes
2.

 Ma Xiaohong, chef de rédaction , Le français, 4 volumes, rédigés par le département de français de l’Institut des langues étrangères de Pékin, publiés par  la maison d’édition de recherche et d’enseignement des langues étrangères, 1993, Pékin.

3.

Le manuel de français, 4 volumes rédigés par l’Institut des langues étrangères de Shanghaï, publiés par la maison d’édition de traduction de Shanghaï, 1981, Shanghaï.

4.

Le français élémentaire, 4 volumes rédigés par l’Université de l’économie et du commerce extérieur de Chine, publiés par  la maison d’édition du commerce,1981, Pékin.