II.1. La définition

D’après le dictionnaire « Le Nouveau petit Robert », le terme didactique comprend trois sens :

  1. Qui vise à instruire, qui a rapport à l’enseignement.
  2. Qui appartient à l’usage des sciences et des techniques à une langue de spécialité.
  3. Théorie et méthode de l’enseignement.
‘« La didactique des langues étrangères se définit par un va-et-vient entre les réalités du terrain pédagogique (la classe de langue) et les apports de la réflexion théorique dans les domaines scientifiques concernés » (Y. Cossu1995) 5 .’

Dans notre travail de recherche, le terme didactique concerne les activités de l’enseignement du français langue étrangère. En ce qui concerne l’interprétation du terme de la didactique des langues, deux tendances en font le synonyme de :

  • la méthodologie de l’enseignement des langues. C’est alors une discipline complémentaire de la linguistique appliquée de la deuxième génération, qui répond à une demande méthodologique précise, à partir de principes émanant de la psychologie, de la sociologie et de la pédagogie, pour trouver les procédés et les techniques adéquats aux principes choisis et déboucher sur l’élaboration de méthodes et de manuels utilisables en classe de langue.
  • la linguistique appliquée de la première génération. C’est alors une discipline recouvrant l’ensemble des approches scientifiques de l’enseignement des langues et constituant une synthèse entre les différents apports de la linguistique, de la psychologie, de la sociologie et de la pédagogie.

Avec le développement de la société et celui de l’éducation, la pédagogie et la didactique sont nées comme deux jumelles dans le domaine de l’enseignement, mais sielles se ressemblent beaucoup, elles se distinguent cependantl’une de l’autre à travers leurs caractéristiques fonctionnelles dans l’enseignement disciplinaire. Au sujet de la différence entre didactique et pédagogie, introduisons ici ce que L. Dabène (1991 :25) a indiqué : « la pédagogie peut se définir de deux manières. Pour les sciences de l’éducation, c’est, de façon très générale, l’art d’enseigner. Ce sens-là ne nous intéresse guère parce que le domaine concerné est très vague. Or, nous travaillons sur l’enseignement d’une discipline déterminée. Au second sens, plus restreint, la pédagogie est l’étude de la mise en œuvre dans la classe de certaines stratégies pouvant faciliter l’apprentissage, donc l’art de gérer la classe au quotidien. La didactique, ce n’est ni l’un ni l’autre. C’est la théorisation de la pratique enseignante, une science qui fait des va-et-vient entre les disciplines mises en jeu par l’enseignement d’une langue et le terrain pédagogique. Elle est cet espace entre les deux. » La didactique et la pédagogie s’opposent en effet souvent seulement par des angles d’attaque différents. La pédagogie définit des méthodes, des démarches qui permettent de guider l’élève dans ses apprentissages variés et l’on parle par exemple de pédagogie différenciée ou de pédagogie par objectifs. La didactique, quant à elle, s’affirme davantage comme une réflexion sur ce que l’on nomme les savoirs savants et la façon de les transposer, dans leur ensemble ou partiellement afin de les rendre accessibles aux élèves.

L’évolution de la didactique doit s’adapter politiquement et économiquement aux besoins sociaux. Ainsi, par exemple, c’est la situation de guerre aux Etats-Unis et l’urgente nécessité d’apprendre à un assez grand nombre d’officiers américains à communiquer dans certaines langues parlées dans les îles du Pacifique, qui a motivé la mise au point des premières méthodes didactiques, destinées à l’équipement linguistique minimal de l’armée (R. Galisson 1980). A l’issue de la Seconde Guerre mondiale, les évolutions politiques et économiques globales ont généré un besoin impératif de surmonter ces deux écueils, c’est-à-dire de doter l’ensemble de la population d’un niveau de formation beaucoup plus élevé, et de réformer substantiellement les programmes et les méthodes, de telle sorte que les élèves maîtrisent les bases des nouveaux savoirs sociaux. C’est pour contribuer à la réalisation de ces objectifs que se sont progressivement constituées les actuelles didactiques disciplinaires. Ces dernières élaborent des problématiques, des recherches et des concepts propres qui peuvent cependant être ensuite réorganisés dans la démarche a posteriori que constitue la didactique comparée. Les didactiques contemporaines ont à interagir avec deux types de disciplines scientifiques de référence. D’une part, avec les disciplines traitant des objets d’enseignement (mathématiques, sciences, linguistique, etc.): requérant une connaissance approfondie des avancées de ces sciences ; la démarche didactique sélectionne et transpose les objets de connaissance dans l’univers scolaire (logique descendante), tout en sollicitant les disciplines savantes à partir des problèmes empiriques de la réalité pédagogique (logique ascendante). D’autre part, avec les disciplines traitant de l’apprentissage et du développement des élèves ; des conceptions sensiblement différentes étant proposées en ce domaine, les didacticiens ont à choisir un cadre de référence et la tendance contemporaine est de s’inspirer plutôt des démarches socio-constructivistes issues de l’œuvre de Vygotski. Par ailleurs, dans la mesure où elles interviennent dans le champ pratique, les didactiques contemporaines ont à conceptualiser les conditions politiques, éthiques et praxéologiques qui permettent une réelle transformation des systèmes et des pratiques scolaires. La démarche didactique est donc à la fois mixte (théorique et pratique) et située à l’intersection de diverses sciences constituées. Cette situation explique les aléas qu’a connus son institutionnalisation universitaire : la didactique est-elle une véritable discipline scientifique, et, si oui, quel est son lieu d’ancrage académique le plus efficace : auprès des disciplines traitant des matières à enseigner, au sein de la psychologie ou dans le cadre des sciences de l’éducation ? Mais cette situation présente aussi des avantages : discipline carrefour, la didactique peut constituer le lieu idéal pour s’interroger sur la transmission des savoirs et des pratiques, et pour repenser la question centrale des conditions effectives d’apprentissage et de développement humain.

Le terme didactique a des conditions d’emploi qui varient selon les langues et qui ont sensiblement évolué au cours des siècles en français où il demeure porteur de significations diverses. Dans sa forme adjectivale (et nominale au masculin : le didactique), ce terme s’applique aux différents aspects des entreprises de formation et d’enseignement (objets, méthodes, attitudes, problèmes, etc.), et il est parfois assorti d’une connotation péjorative -un comportement didactique se caractérisant par l’attitude autoritaire et dogmatique imputée au magister de la scolastique-. Dans sa forme nominale au féminin, il désigne soit l’activité d’enseignement elle-même (la didactique comme art d’enseigner), soit les démarches d’analyse portant sur cette même activité et tendant à s’organiser en discipline autonome ; pour dépasser cette ambivalence, certains ont proposé de qualifier la discipline de didaxologie ou de didactologie, mais aucun de ces deux termes ne s’est réellement imposé à ce jour.

La didactique comme discipline possède un champ d’application dont l’ampleur varie selon les contextes linguistiques et culturels. Dans la tradition allemande ou anglo-saxonne, elle est souvent conçue comme la discipline recouvrant l’ensemble des entreprises d’éducation et de formation des humains. Son domaine se confond dans ce cas avec celui de la pédagogie, des sciences de l’éducation ou des sciences de la formation. Dans la tradition francophone (et plus largement latine), la didactique se présente comme une discipline plus restreinte, qui est particulièrement concernée par les problèmes de théorie et de méthodologie de l’enseignement (comment concevoir et mettre en œuvre des contenus et des manières d’enseigner qui soient adaptés au niveau des élèves ?). Elle se distingue, ce faisant, des approches ayant trait aux dimensions politiques, économiques et structurelles des institutions de formation, ainsi que de celles ayant trait aux aspects éthiques ou psychosociologiques de toute relation pédagogique.

Le projet de la didactique comme discipline spécifique est d’analyser les processus d’enseignement et d’apprentissage à l’œuvre dans les situations éducatives, à la fois pour contribuer à la constitution d’un savoir scientifique sur les conditions de formation et de développement des humains, et pour tenter d’identifier des voies d’amélioration des systèmes et des démarches d’enseignement. Pour ce faire, la didactique, d’une part, développe des recherches qui peuvent être de type historique, théorique, descriptif ou expérimental, et, d’autre part, met en place des démarches d’intervention qui peuvent être de l’ordre de l’expertise (des objectifs, des programmes, des manuels), concerner la formation des enseignants ou l’élaboration de nouvelles techniques d’enseignement.

Les recherches de la discipline ont pour objet central le triangle didactique (ou système didactique), c’est-à-dire cette structure constituée par les enseignants qui enseignent, par les élèves qui apprennent et par les différents types de contenus (savoirs, savoir-faire, valeurs, etc.) qui sont mobilisés dans cette interaction. Dans ce cadre global, certains travaux portent plutôt sur le pôle enseignement ; ils peuvent concerner la teneur des programmes relatifs à une matière et les rapports que ces derniers entretiennent avec les savoirs scientifiques disponibles (comment choisir les objets à enseigner, dans quelle mesure et comment ces objets doivent-ils être adaptés ou transposés, etc. ?) ; ils traitent aussi de la relation des enseignants avec les savoirs de référence, de leurs représentations des enjeux de la formation, des compétences qu’ils développent dans la gestion des programmes, etc. D’autres travaux portent plutôt sur le pôle apprentissage ; ils concernent essentiellement les mécanismes mis en œuvre par les élèves pour s’approprier les différents types de contenus d’enseignement et ils visent notamment à identifier les conditions et caractéristiques propres à ces apprentissages scolaires, par rapport aux processus d’acquisition identifiables dans des contextes dits naturels. D’autres recherches portent encore sur la nature des relations que l’activité de médiation des savoirs instaure entre les apprenants et leur enseignant ; ce domaine concerne notamment le type de contrat didactique qui s’établit entre les deux partenaires, ainsi que les régulations qui se déploient entre temporalité de l’enseignement et temporalité de l’apprentissage ; il s’étend jusqu’aux attitudes ou aux styles d’enseignement, objets qui relèvent aussi de la pédagogie générale et qui se situent donc aux frontières de la didactique proprement dite.

Dans le domaine de l’analyse des interactions, on peut rappeler que les premières analyses de J. Mc. H. Sinclaire et R. M. Coulthard (1975) ont porté sur des échanges verbaux en classe de langue. De nombreux travaux ont été entrepris depuis, à travers le monde, sur les interactions didactiques, en particulier dans les classes de langue étrangère (Dabène et al, 1990. Blondel et Cicurel, 1996).

Chaque langue a développé sa propre didactique pour des raisons historiques, linguistiques et institutionnelles. Chacune a développé son propre appareil de description et ses outils métalinguistiques. La didactique est une nouvelle approche de l’enseignementparce quece qui compte, en définitive, n’est pas le savoir détenu par l’enseignant mais le savoir acquis par l’élève dans l’enseignement de la langue étrangère.

Notes
5.

Y. Cossu, L’enseignement de l’anglais, Préparation au CAPES et au CAPLP2, Nathan Univ. Coll. Fac Education, 1995, Paris.