II.2. La didactique dans l’enseignement du français

Nous pouvons considérer que les méthodes traditionnelles, basées sur l’enseignement de règles grammaticales, la traduction et la fréquentation exclusive de l’écrit littéraire, appartiennent à la préhistoire de la didactique du FLE. Les méthodes directes se situent au seuil de la didactique contemporaine du FLE.

La didactique du français langue étrangère essaie depuis longtemps de prendre en considération les résultats de la psychologie de l’apprentissage pour en tirer profiten matière de méthodologie. Les autres domaines de la psychologie, par contre, restent plus ou moins ignorés. Cela est dû, d’un côté, au fait que la didactique s’est intéressée plus aux méthodes et stratégies d’enseignement qu’aux processus d’apprentissage et, de l’autre, au fait que les recherches psychologiques ne se prêtent pas immédiatement à une application aux problèmes de l’enseignement du français langue étrangère.

Vers le milieu des années 1970, après l’observation des interactions, la classe de langue est considérée comme un terrain de recherche didactique. Des chercheurs britanniques ont observé la classe de langue étrangère tout en la considérant comme un lieu de communication, avec ses rituels, ses tours de parole, ses régulations. Ils ont, par conséquent, analysé les échanges entre le professeur et les étudiants pour découvrir les rituels, les régulations de la didactique en classe de langue étrangère.

J. McH. Sinclair et R. M. Coulthard (1992 :91) ont indiqué, à ce sujet, que « l’objectif était de construire un modèle de description qui puisse rendre compte de la structuration des échanges d’une part, de la fonction d’un énoncé ou d’une partie d’énoncé de l’autre ». Ils ont apporté la notion de  rang  après avoir analysé la structuration des activités didactiques en classe de langue étrangère. Ils décrivent les processus de l’enseignement de la langue étrangère en cadre scolaire selon différentes étapes :

N0 Etapes Significations

1

Leçon

macro-unité d’analyse

2

Transaction

une ou plusieurs par leçon

3

Echange

un ou plusieurs par transaction

4

Mouvement

élément d’un échange : souvent trois par échange

5

Acte
unité minimale de communication : un ou plusieurs par mouvement

Pour eux, le parler de l’enseignant constitue tout d’abord un objet important dans leurs recherches didactiques pour découvrir une voie d’exposition à la langue étrangère parce que toutes les fonctions didactiques de l’enseignant se trouvent dans son discours: comment l’enseignant explique ou corrige, comment il évalue ou exprime ses appréciations à l’oral. Ensuite, le parler de l’enseignant contient ses caractéristiques discursives, c’est-à-dire ses aspects métalinguistiques, ses simplifications rhétoriques, ses réseaux polyphoniques ou son usage du fictif. Enfin, le parler de l’enseignant expose ses procédés paraverbaux tels les gestes, le rire ou le silence qui jouent tous un rôle dans les activités didactiques.

J-P. Cuq et I. Gruca qui ont beaucoup travaillé dans la recherche didactique du français langue étrangère, signalent qu’en France, dès 1977, Robert Galisson proposait de remplacer la linguistique appliquée par la didactique des langues étrangères. « Pour la didactique, le début de la grande révolution technologique date en réalité du début du vingtième siècle avec l’utilisation des moyens que permettait l’électricité. Les capacités de captation du son, puis de sa reproduction, ceux de l’image, fixe puis animée, ont tout au long du siècle fasciné et stimulé les méthodologues et les pédagogues, qui n’ont eu de cesse de théoriser et d’expérimenter l’utilisation des machines modernes dans la classe. » (J-P. Cuq et I. Gruca2002 :422).

Dans la recherche en didactique des langues, les connaissances établies par les différentes branches de la linguistique sont donc indispensables. Mais, en plus de la connaissance linguistique, il existe un autre paramètre constituant le concept de didactique dans l’enseignement de la langue étrangère qui élargit considérablement l’objet lui-même : l’aspect culturel de la langue. Partant de cette notion, J-P. Cuq et I. Gruca (2002 :10) évoquent dans la recherche didactique, deux problèmes que tous les enseignants natifs ou non natifs rencontrent dans les activités didactiques en classe. Comment passer « d’une didactique de langue à une didactique de la parole », d’une part, et d’autre part,comment faire face au fait que « la question de l’interculturel est différente en langue étrangère et en langue seconde. En FLE, il s’agit de comprendre pourquoi les différences culturelles entraînent des problèmes d’apprentissage et d’enseignement, et de tirer les conséquences méthodologiques des réponses à ces questions. » (J-P. Cuq, et I. Gruca, 2002 :60). La situation didactique est en effet une situation communicative particulière en raison du niveau informatif qui existe par définition entre celui ou celle qui occupe le rôle de l’enseignant et ceux ou celles qui détiennent le rôle des apprenants.

La recherche didactique de la langue étrangère nous pose souvent la question de faire parler, faire communiquer l’élève en langue cible. Voilà un souci permanent et majeur pour les enseignants de langue puisque le but final de l’enseignement / apprentissage de langue, comme C. Kramsch le souligne, vise à rendre les apprenants capables de communiquer convenablement avec des personnes de la culture de la langue cible. Dans les activités didactiques, la classe forme une société artificielle, et donc un lieu d’échanges verbaux dans lequel chaque partenaire, enseignant ou apprenant a une place, un rôle. L’enseignant joue le rôle d’initiateur des échanges verbaux qui sont essentiellement orientés vers le savoir. Sur la base des interactions, des relations entre partenaires se tissent : il s’agit à la fois de relation sociale et de relation didactique.

L’étude récente sur la didactique impose qu’en classe, l’enseignant doive centrer les activités sur les apprenants. Dans la didactique du français langue étrangère, l’approche communicative met l’apprenant au centre du processus d’enseignement / apprentissage. Les besoins, les motivations, les difficultés des apprenants sont soigneusement étudiés. Pour que la situation de classe soit réussie, l’enseignant doit, dans cette perspective, bien connaître son groupe d’apprenants : leurs besoins, leurs soucis, les obstacles qu’ils rencontrent, ainsi que leur niveau d’étude, leur compétence... Tout cela s’illustre dans le contrat didactique.