II.2.4. Le contrat de didactique

Enseignant et enseignés se mettent en jeu dans la relation didactique selon des règles qui fonctionnent comme les clauses d’un contrat. Cependant, ces règles n’ont rien d’explicite, elles se révèlent essentiellement dans la pratique de l’enseignement / appentissage. Le contrat de didactique est l’ensemble des conditions qui déterminent implicitement le fait que chaque partenaire, enseignant ou enseigné, ait la responsabilité d’accorder une coopération didactique. Il faut être responsable l’un envers l’autre dans cette situation.

Le terme contrat de didactique est né dans la recherche de l’enseignement de mathématique de G. Brousseau en 1970. Depuis, nombreux sont les auteurs qui l’ont repris pour le développement de théories didactiques. On appelle contrat de didactique l’ensemble des comportements de l’enseignant qui sont attendus par les apprenants et l’ensemble des comportements des apprenants qui sont attendus par l’enseignant et dont l’enjeu principal est la transmisson et l’acquisition du savoir.

Avec la recherche pédagogique dans le domaine de l’éducation, le terme de contrat de didactique devient de plus en plus un des sujets qui intéresse les linguistes et les sociologues, y compris les éducateurs. Le terme de contrat de didactique connaît un succès qui n’est pas dépourvu d’ambiguïtés. En 1970, G. Brousseau a construit la notion de contrat de didactique qui peut se décrire brièvement comme un système d’attentes, à propos du savoir, entre l’enseignant et les apprenants. Il trouve que ce contrat fonctionne comme un système de réciproques obligatoires entre enseignant et enseignés. Ils prennent mutuellement, d’une manière ou d’une autre, ces responsabilités les uns pour les autres.

Comme le contrat de communication dont il a été question ci-dessus, le contrat de didactique se rapporte aussi au contrat social. Toutefois il est différent de celui-ci car personne ne sait quand et où ce contrat de didactique a été signé. A cette question, aucun ne peut répondre, pourtant, ce contrat existe institutionnellement, il est connu de tous dans notre société.

Le contrat de didactique surdétermine les interactions entre l’enseignant et les apprenants. L’un des aspects essentiels de cette surdétermination est décrit de la façon suivante par G. Brousseau : l’enseignant sait des choses que les apprenants ne savent pas. Parmi celles-ci, il y en a que les apprenants doivent finir par savoir pour apprendre. Cependant, l’enseignant ne peut pas dire directement ces choses aux apprenants, parce que l’interaction didactique suppose que les apprenants puissent acquérir progressivement ce qu’ils apprennent, non par la seule écoute, mais par l’étude et la pratique en milieu d’apprentissage. C’est-à-dire, qu’en classe de langue étrangère, l’enseignant parle pour faire agir les apprenants, pour mettre les apprenants dans la pratique communicative en langue cible.

L’interaction en classe est différente de celle dans la vie de tous les jours, elle possède des caractéristiques qui lui sont propres car le système universitaire définit institutionnellement le rôle de l’enseignant et celui des apprenants d’une part, leur précise ce qu’ils doivent faire respectivement dans le cadre universitaire d’autre part. La classe est un lieu où l’on souhaite que la relation entre apport (input) et saisie (intake) soit la plus directe et la plus immédiate. La classe garantit la possibilité d’un enseignement et d’un apprentissage suivant un coût horaire déterminé. La communication en classe de langue étrangère ne présente pourtant pas la bi-focalisation caractéristique de la communication exolingue mais plutôt une confusion du niveau communicationnel / thématique et du niveau métalinguistique.

Pour que les interactions puissent s’établir et se développer, en d’autres termes, pour que les interlocuteurs en présence, enseignant et apprenants, puissent s’ajouter, les uns aux autres en classe de FLE, la situation pédagogique doit être une situation claire. Dans la classe, nous observons toujours, du début du cours jusqu’à sa fin, les rôles de l’enseignant et des apprenants, et chacun doit être conscient de son propre rôle. Comme toute structure sociale, il y a également une règle, celle qui respecte l’autonomie de chacun tout en protégeant l’intégrité des autres et qui s’exprime en termes simples. Cette convention entre l’enseignant et les apprenants est présente dans notre recherche sous le terme de contrat de didactique.

Nous savons bien que le rôle du contrat consiste à déterminer la relation entre les deux partenaires intéressés et leur responsabilité ainsi que leur devoir pour atteindre l’objectif indiqué dans le contrat.

En nous appuyant sur le principe général du contrat, nous précisons, pour le contrat de didactique, que :

Nous essayons de définir, dans ce travail de recherche, avec nos propres termes, le contrat de didactique. Le contrat de didactique est l’ensemble des règles qui encadre implicitement, toutes les activités didactiques. Les relations étroitement liées par le savoir entre l’enseignant et les apprenants, leurs responsabilités réciproques et leurs comportements linguistiques au cours de l’enseignement / apprentissage assurent la réalisation du programme d’enseignement. Par exemple, une séance de classe dure, en Chine, à l’université, 50 minutes pendant lesquelles la relation enseignant-savoir-enseignés (nous pouvons déduire linguistiquement que leur relation est dominant-savoir-dominés) est permanente  et leurs responsabilités seront ainsi définies :

Concernant les comportements linguistiques des étudiants et de l’enseignant, ce dernier cherche à distribuer, organiser les tours de parole aux apprenants d’une manière particulière. Par contre, les apprenants essaient de satisfaire les attentes de l’enseignant par une participation active aux activités didactiques proposées, pour réaliser ensemble la coopération interactionnelle en classe.

Le contrat de didactique dépend principalement de l’objectif de la formation, ainsi que de la stratégie d’enseignement. Il définit la responsabilité des apprenants et celle de l’enseignant, aucune des deux ne peut se substituer à l’autre. D’après le contrat de didactique, nous pouvons classer les responsabilités prises en charge respectivement par l’enseignant et les apprenants :

En réalité, le contrat de didactique ne joue ce rôle que dans l’enseignement, (dans notre recherche, il s’agit de l’enseignement du FLE) qui est considéré comme un des domaines d’activités importants de la vie en société car l’enseignement constitue pour toutes les sociétés une partie importante et indispensable. Comme pour les autres domaines d’activités, il existe des règles de fonctionnement qui lui sont propres. Le contrat de didactique n’est mis en oeuvre que dans un milieu particulier, le lieu universitaire, avec des acteurs aussi particuliers : enseignant et apprenants. Le milieu universitaire a ses contraintes : de lieu, de temps, d’objectif etc. qui sont prises en compte dans le contrat.

En principe, l’interaction en classe est d’ordre didactique car elle se produit dans le cadre de la classe entre l’enseignant et les apprenants à propos du savoir sur la base d’un contrat de didactique qui régit les échanges verbaux des partenaires. Placés sous le contrat de didactique, les rôles sont définis, pour l’enseignant et les apprenants, et les règles sont admises par tous. Ils peuvent définir le travail du jour comme définir des projets à long terme et partager leur responsabilité, c’est aussi une autre manière d’exprimer la notion de contrat de didactique.

Dans le cadre du contrat de didactique, les interactions entre les partenaires, enseignant et apprenants, peuvent se limiter en général au déroulement des activités didactiques selon les modes actionnels suivants:


Modes actionnels

Interactants

Exemples dans les corpus

Action individuelle

Enseignant
Séquence d’ouverture
- Programme du jour
- Participants des activités
- Demande didactique


Action collective

Enseignant vs apprenants
Corps central du corpus
- Questions de l’enseignant
- Répponses des apprenants
- Eréactions évaluatives

Action conjointe

Enseignant vs un apprenant
Entretien entre E et A

Examen oral

Dans ce contrat de didactique, chaque partenaire de la classe, enseignant comme apprenants, doit être responsable de lui-même et de l’autre, ainsi que de tout ce qui se passe pendant la séance de classe.Ces conventions sont observables au cours de l’enregistrement d’une classe observée : chaque fois que l’enseignant pose des questions, il attend toujours un certain nombre de réponses de la part des apprenants. De même, en écoutant une question de l’enseignant, des apprenants donnent, parfois automatiquement, la réponse même s’ils ne l’ont pas très bien comprise en forme verbale ou en forme non-verbale. Il semble que tous les échanges verbaux à propos du savoir en classe soient influencés par un contrat qui régit les activités de classe. Pour augmenter la compétence linguistique et la compétence communicative, l’enseignant doit organiser les activités didactiques, tout en distribuant, d’une manière technique, les tours de parole aux apprenants, et les apprenants doivent suivre avec une participationcoopérative ces activités didactiques. En d’autres termes, la classe est considérée comme un orchestre. Ainsi l’enseignant est-il considéré comme un chef d’orchestre qui gère et dirige toutes les activités des musiciens. La réussite de l’orchestre dépendrait du jeu des attentes mutuelles et des responsabilités de chaque partenaire de l’orchestre dans l’accomplissement des rôles et des tâches confiées. Nous disons donc que le contrat de didactique, inaperçu et implicite, est indispensable dans l’enseignement pour la réalisation des activités didactiques et pour construire, par son intermédiaire, le savoir, les relations interpersonnelles entre le professeur et les étudiants, ainsi que pour normaliser leurs comportements interactionnels au cours de l’enseignement.

C’est avec la théorie interactionnelle et la notion de contrat de didactique que nous nous dirigeons vers l’analyse des trois fonctions principales de l’enseignant en classe de FLE en Chine ( cf. Partie IV de la thèse).