III.2. Le didactème de Claude Germain

Quant à la hiérarchie des leçons en langue seconde ou étrangère, C. Germain a mené, depuis longtemps, une recherche exploratoire d’une manière interprétative (qualitative) visant à lever l’embarras théorique, grâce au concept central d’activité didactique et aux techniques de l’observation de classes et de l’entrevue avec les enseignants. La structure hiérarchique sous-jacente aux leçons de langue seconde ou étrangère a été établie. C’est ainsi que C. Germain a postulé que le didactème, nouveau concept de l’enseignement de langue étrangère, est l’unité de base minimale de l’étude de l’enseignement des langues étrangères.

Méthodologiquement, pour C. Germain, la principale difficulté, pour la recherche didactique, est d’identifier les didactèmes, d’en faire la segmentation. Il a eu recours à la fonction didactique (but et contenu d’apprentissage) et à l’épreuve de communication afin d’y parvenir. A partir d’un corpus constitué essentiellement d’une leçon de langue étrangère enregistrée sur cassette, transcrite ensuite pour l’analyse, il est arrivé à dégager un certain nombre d’activités didactiques (abréviation A.D).

Types d’A.D (activités didactiques)
Types d’A.D
P = Présentation
Pra = Pratique
Tra = Transposition
Exp = Exploitation
Rév = Révision
Cor = Correction
Vér = Vérification

Pour faciliter la compréhension du concept de didactème pour l’enseignement de la langue étrangère, citons son travail qui comprend une analyse des cinq didactèmes.

L’ensemble des didactèmes d’une leçon forme une suite, un déroulement linéaire, chronologique. Cela lui permet de dégager une structure séquentielle, faite de régularités de combinaisons de didactèmes. Il a pu dégager, à partir du corpus, la régularité suivante :

Selon C. Germain, une activité de pratique, de transposition ou d’exploitation est en règle générale précédée d’une activité de présentation des éléments à faire acquérir. Dans la pratique didactique, les activités de correction, de révision ou de vérification sont plutôt mobiles : elles sont relativement autonomes, de sorte que leur apparition est peu prévisible.

En réalité, l’activité pratique d’enseignement se manifeste sous deux types de structures :

  1. pour la structure séquentielle, il convient d’ajouter deux types de phénomènes qui viennent compliquer le déroulement linéaire d’une leçon : l’alternance et la simultanéité.
  2. pour la structure hiérarchique, l’activité est articulée autour de deux types complémentaires de structures : une structure de surface (linéaire) et une structure profonde (hiérarchique)

Les recherches empiriques et théoriques conduites par le groupe de recherche ASHILE dirigé par C. Germain, montrent qu’il semble possible d’établir la présence de régularités dans l’enseignement de la langue étrangère, en dépit de nombreuses variations de surface. Il nous faut reconnaître que c’est un premier pas vers la constitution d’une éventuelle théorie de l’enseignement des langues étrangères.

C. Germain a indiqué, après l’observation de classes d’anglais en Chine et de langue étrangère au Canada, que les apprenants de Pékin ne prennent qu’exceptionnellement la parole, suivant attentivement les explications orales de leur enseignant et n’ayant aucune interaction entre eux. Alors que les apprenants du Canada, interagissent continuellement avec leur enseignant de langue et entre eux dans les travaux de groupes ou en classe entière.

Les variations de surface dans l’enseignement existent aussi dans le travail des enseignants de langue. Les variations individuelles tiennent à la personnalité, à la formation, à l’expérience des enseignants. Lorsqu’un lecteur français enseigne sa langue maternelle dans un pays étranger, il a tendance à produire le modèle de son milieu socioculturel d’appartenance.

Les régularités synthétisées des corpus se présentent sous la forme d’une double structure, séquentielle et hiérarchique, qui montre, dans l’analyse, toute la complexité de l’activité d’enseignement. Sur le plan séquentiel, nous trouvons des activités didactiques enchâssées, en alternance ou simultanées. Mais, au-delà des variations de surface et de la structure séquentielle, il existe une structure fondamentale de l’enseignement d’une langue étrangère qui serait constituée d’une sorte de mouvement à trois temps : une ou des activités didactiques préparatoires, orientées vers une activité didactique directrice, suivie d’une ou plusieurs activités didactiques rétroactives.

C. Germain et son groupe croient, en dépit des variations de surface de l’enseignement d’une langue étrangère, que toutes les activités didactiques pourraient peut-être reposer sur quelques invariants qui constituent aussi la base de sa théorie didactème. Leur but est d’exprimer, d’une part, un certain nombre de régularités et, d’autre part, d’orienter l’enseignement d’une langue étrangère.