V. La méthodologie et l’hypothèse théorique sur la pragmatique

Introduction

Dans l’histoire récente des sciences du langage, l’avènement et l’essor rapide de la pragmatique constituent un des faits les plus saillants de ces vingt dernières années. Ses développements ont engendré de nouvelles approches du langage. Maintenant, on ne peut analyser un phénomène sans tenir compte de cette dimension pragmatique, étroitement liée à la dimension sémantique et à la dimension syntaxique. Il est donc utile de savoir ce qu’est la pragmatique.

Dès le 19è siècle, plusieurs penseurs, s’appuyant sur le scepticisme que rencontrent souvent les prétentions à une connaissance spéculative valable de la réalité, ont soutenu l’idée que la pensée ne saurait jamais aller au-delà d’une connaissance pratique. A l’échelle humaine, ce qui tiendrait lieu d’une inaccessible vérité théorique, c’est l’efficacité : suivant cette logique, est vrai ce qui réussit, est faux ce qui échoue.

Sur cette base, le philosophe W. James (1842-1910) a développé une doctrine qu’il a appelée pragmatisme (du grec pragma « action »). Son ami et coopérateur scientifique C. S. Peirce (1839-1914) a employé le terme voisin de pragmaticisme et a mis l’accent sur l’activité sémiotique de l’homme, sur l’emploi des signes. Naturellement, sa réflexion, à laquelle on porte aujourd’hui beaucoup d’intérêt, rencontre les signes linguistiques et leur emploi.

C’est après la seconde guerre mondiale que la recherche en pragmatique concerne non seulement les signes et les référents, mais aussi ceux qui en font usage. Cette constatation a introduit une conception élargie du langage et des langues. Le langage et les langues sont faits pour être mis en œuvre et pour servir les buts variés de l’activité humaine.

Simplement exprimée, la pragmatique est l’utilisation du langage, elle touche à des éléments comme la motivation psychologique des locuteurs, les réactions des interlocuteurs ou la valeur du discours. Elle peut répondre aux questions suivantes: Que faisons-nous lorsque nous parlons? Que disons-nous exactement lorsque nous parlons? Pourquoi demandons-nous à notre voisin de table s’il peut nous passer la moutarde alors qu’il le peut manifestement? Qu’est-ce une promesse? Comment peut-on avoir dit autre chose que ce que l’on voulait dire?