V.2. Les interactions en général

L’interaction est un concept nomade, apparu d’abord dans le domaine des sciences de la nature et des sciences de la vie. Il a été, à partir de la seconde moitié du 20è siècle, adopté par les sciences humaines pour qualifier les interactions communicatives, c’est-à-dire « toute action conjointe, conflictuelle ou coopérative, mettant en présence deux ou plus de deux acteurs. A ce titre, il recouvre aussi bien les échanges conversationnels que les transactions financières, les jeux amoureux que les matchs de boxe » (R.Vion 1992 :17).

Le concept d’interaction verbale s’appuie sur la constatation que dans un échange verbal, l’utilisation du langage par un locuteur n’a pas seulement pour but d’exprimer un contenu, mais d’influer sur ses interlocuteurs. Le point de départ de l’analyse des interactions verbales est le contexte d’une conversation, dans laquelle nous ne pouvons pas séparer émission et réception qui seraient deux comportements successifs, mais nous devons considérer que les deux partenaires sont à la fois en position d’émission et de réception. Tout au long de l’échange verbal donc, dans la vie quotidienne, le locuteur et l’interlocuteur, tous interactants de la communication, agissent l’un sur l’autre et se transforment à travers cette action réciproque.

Plusieurs chercheurs ont tenté de délimiter une interaction tout en proposant des critères dans leur définition en forme et en fonction. Par exemple, pour E. Roulet (1985 :23), une interaction est «délimitée par la rencontre et la séparation des deux interlocuteurs». C. Kerbrat-Orecchioni (1990 :211) précise, au sujet de la délimitation de l’interaction, que «l’interaction est "constituée" (d’unités de rang inférieur), mais en principe non "constituante".» Cela veut dire que l’interaction est composée de différents constituants qui entretiennent hiérarchiquement des relations d’inclusion et de subordination.

Très étroitement liés aux conceptions pragmatiques, les courants interactionnistes conçoivent le langage foncièrement interactionnel. Ainsi, dans la recherche linguistique, voyons-nous, en matière d’analyse du discours ou plus spécialement des interactions verbales, le fameux modèle hiérarchique et fonctionnel qui a été élaboré ou adopté par de nombreux spécialistes et linguistes dans le but de rendre compte de l’organisation du discours.

L’analyse du discours a pour but essentiel de cerner la manière dont les agents sociaux agissent les uns sur les autres à travers l’utilisation qu’ils font de la langue et d’autres unités, les signes linguistiques. En général, dans l’analyse du discours, l’interaction s’entend comme interaction verbale entre deux participants. Pour qu’il y ait véritablement interaction, plusieurs conditions nécessaires doivent être réunies, par exemple le contrat communicatif. Pour entrer en interaction, les locuteurs doivent accepter un minimum de normes communes, s’engager dans l’échange, assurer conjointement sa gestion en produisant leurs tours de parole, leurs gestes, etc. Dans une interaction s’affrontent les stratégies des interlocuteurs qui doivent constamment négocier et s’efforcent de mettre les normes de leur côté.

En ce qui concerne les unités interactionnelles, le terme d’interaction  s’emploie pour désigner l’unité d’analyse la plus élevée d’une conversation, l’ensemble des échanges effectués par des participants dans un contexte donné. E. Goffman appelle une telle unité « rencontre » et E. Roulet la nomme « incursion » (C. Kerbrat-Orecchioni 1990 :214). Elles peuvent être décomposées en diverses transactions.